Région de l’Est : le Mouvement U Gulmu Fi dresse un tableau sombre de la situation sécuritaire

Ceci est la déclaration liminaire du mouvement U Gulmu Fi, à l’occasion d’une conférence de presse tenue ce jeudi 02 mars 2023 à Ouagadougou.

Mesdames et messieurs les journalistes, chers amis de la presse !

Au nom de l’ensemble du Mouvement U Gulmu Fi, avant tout propos, je tiens à vous traduire notre gratitude, pour votre constante disponibilité qui se manifeste encore par votre présence au point de presse de ce jour.
Mesdames et messieurs !

La conférence de presse de ce jour se tient dans un contexte de dégradation continue de la situation sécuritaire, dont l’un des derniers incidents en date est le drame de Partiaga. En effet, le dimanche dernier (26 février), la commune de Partiaga dans la province de la Tapoa, a été la cible d’une attaque horrible, qui a fait des dégâts matériels et surtout, des pertes en vies humaines, contraignant les rescapés à l’exode. Comble de malheur, à ce jour, les populations n’ont pas encore eu la possibilité de retourner à Partiaga, ne serait-ce que pour inhumer les morts. Puisse leur âme reposer en paix. Du reste, aucun bilan officiel n’est encore établi.

Mesdames et messieurs des médias !

Malheureusement, au-delà de Partiaga, c’est toute la Région de l’Est qui vit une situation sécuritaire très préoccupante. A ce jour, sur les cinq provinces de la région, une seule est encore reliée à Fada N’Gourma, la capitale régionale. Depuis plus d’un an, la province de la Kompienga vit renfermée sur elle-même, sous blocus et sans réseau de communication, (si ce n’est le réseau du voisin togolais, pour ceux qui ont pu se procurer la puce togolaise). Et après le dépeuplement total de la commune de Madjoari, la province se résume essentiellement aux villes de Kompienga et de Pama dont il est quasi impossible de s’éloigner.
Quant à la province de la Tapoa sa situation est assez similaire à elle de la Kompienga, car depuis cette année 2023, la Tapoa aussi est sous blocus, avec un seul réseau de télécommunication pour les localités qui ont encore la chance de pouvoir communiquer.
Et avec le drame de Partiaga, seules deux communes, en l’occurrence Kantchari et Diapaga enregistrent encore des traces de l’administration publique. Malheureusement, ces deux communes aussi semblent quasiment cernées et subissent le harcèlement des hommes armés non identifiés (HANI).

Dans la Komondjari, le tableau est encore similaire. Outre la localité de Tankoalou qui était déjà sous blocus, depuis cette année 2023, c’est toute la province qui vit le blocus, avec l’interdiction du trafic sur la ligne Fada- Gayeri. Cette ville de Gayeri qui connait encore une certaine présence de l’administration est également sous pression des HANI, avec un seul réseau de téléphonie.

Seule la province de la Gnagna reste encore connectée à Fada par la route, mais avec des incursions régulières des HANI à Bilanga et à Piéla, et une présence presque permanente à Botou. Dans cette province, seuls les départements de Bogandé et de Piela ont à ce jour des écoles fonctionnelles. La province du Gourma (province du chef-lieu de la Région) connait également des difficultés. A titre d’exemple, toute la commune de Yamba est sans éducation. Et dans les autres communes, c’est principalement dans les grands centres des chefs-lieux de département que l’école est encore fonctionnelle. Même l’Université de Fada N’Gourma ne peut plus recevoir d’étudiants en son sein, parce que harcelé à plusieurs reprises par des HANI.

Chers journalistes, mesdames et messieurs !
Au total, sur le plan éducatif, à la date du 31 janvier 2023, on enregistrait 1 100 établissements solaires fermés contre 953 établissements au 28 février 2022. Et sur le plan humanitaire, au 31 janvier 2023, la région comptait 209 053 PDI, contre 156 485 au 28 février 2022. Malheureusement, tous ces différents chiffres ne cessent de croitre, sous la pression continue des HANI. En atteste l’exode des populations de Yamba et de Tandjari ces jours-ci, après avoir reçu le weekend dernier, un ultimatum de 72 heures pour déguerpir. Et beaucoup de ces PDI vivent assez souvent dans des conditions extrêmes de logement et même d’alimentation. En rappel, ici, il n’existe pas officiellement de camp de PDI, l’autorité ayant plutôt décidé dans le sens des familles hôtes pour l’installation des PDI.

Au passage, nous formulons nos sincères remerciements à toutes ces familles hôtes qui continuent à donner de l’hospitalité à ces personnes déplacées contre leur gré.
Au-delà de tous ces aspects, la situation sécuritaire est aussi caractérisée par les assassinats, les enlèvements et les disparitions. C’est le cas de la vingtaine de jeunes gens de la Tapoa enlevés en novembre 2022, et dont les proches sont toujours sans nouvelles jusqu’à présent. Il y’a aussi le cas des tueries enregistrées dans le sillage du convoi de la mine de Boungou (de Piéga à l’entrée de la ville de Diapaga), pour lesquelles, l’autorité avait promis de faire la lumière, mais qui sont restées sans suite jusqu’à nos jours.

D’autre part, il n’existe plus d’évacuation sanitaire dans la région de l’Est, et nous enregistrons désormais la fermeture de centres de santé périphérique, et les Centres médicaux avec antennes chirurgicales ne fonctionnent qu’à minima. Dans une communication faite par la Direction régionale de la santé (DRS) de l’Est, il était ressorti en fin 2022, que la région enregistrait la fermeture de 17 formations sanitaires (FS), et que 122 FS fonctionnaient désormais à minima. Cela prive de fait, 127 699 personnes, de soins. Les districts sanitaires de Pama, Diapaga, Gayéri et de Fada sont les plus touchés. Pama et Diapaga étant en plus très difficiles d’accès à ce jour.
Et partout dans la région, excepté Fada N’Gourma, les institutions financières sont toutes fermées. Outre Pama et Tankoalou qui connaissaient des ruptures de denrées de première nécessité, il faudra bientôt ajouter et toute la province de la Komondjari, et toute la province de la Tapoa, si une solution n’est pas trouvée.

Mesdames et messieurs, chers amis de la presse !

Outre la question sécuritaire, les autres points de la plateforme revendicative, c’est le désenclavement, l’accroissement de l’offre sanitaire et la mise en valeur accrue du phosphate de Kotchari. Ces questions au moins connaissent de l’avancée avec les améliorations en cours au niveau du CHR actuel ; la relance du marché du lot 1(Gounghin-Fada) des travaux de réhabilitation et de renforcement de la RN4 ; et le projet de nouveau CHR et la question du phosphate font leur petit bonhomme de chemin.

Mesdames et messieurs,

En somme, la situation sécuritaire est très, très préoccupante, rythmée par les enlèvements, les pertes en vies humaines et les pertes de biens matériels, le nombre croissant de PDI, le nombre croissant d’écoles fermées, le nombre croissant de localités sous blocus, la baisse continue de la couverture téléphonique…
Face à cette situation, le Mouvement U Gulmu Fi appelle l’Etat à :
Garantir effectivement la sécurité des personnes et des biens
Créer les conditions pour les populations de Partiaga puissent enterrer dignement leurs morts.
Prendre les mesures urgentes et idoines pour lever les blocus sur les communes de la région de l’Est ;
Créer des couloirs humanitaires pour permettre l’approvisionnement des zones sous blocus, et aux populations assiégées de pouvoir rallier des zones plus sécurisées ;
Assurer une prise en charge adéquate des PDI.

Par ailleurs, le Mouvement félicite la coordination provinciale des OSC de Diapaga et les populations de Diapaga, pour leur mobilisation spontanée, massive et multiforme suite au drame de Partiaga. De façon générale, il félicite encore les familles-hôtes ainsi que toutes les personnes physiques et morales qui contribuent à la prise en charge des PDI et appelle à davantage de solidarité envers ces derniers. En ce sens, au-delà de ce qui se fait déjà, le Mouvement lance une campagne spéciale de collecte et de souscription au profit des PDI. Nous reviendrons avec plus de précisions sur les modalités de cette collecte. Notre ambition étant de mobiliser la solidarité envers cette population en détresse !

Ensemble, levons-nous et bâtissons !