« Nous devons faire valoir le patriotisme en toutes circonstances, au détriment du populisme » (Moussa Ilboudo)

Moussa Ilboudo : « Ainsi les bases de la renaissance nationale seront bien lancées afin de hisser le Burkina Faso au firmament des nations dans le monde. »

Moussa Ilboudo, président de l’Union nationale des patriotes engagés pour la défense des droits des usagers de l’Administration, un mouvement de la société civile, nous a accordé un entretien dans lequel il a livré sa lecture sur la situation sécuritaire du Burkina Faso, en lien notamment avec la répercussion de la crise sur le secteur économique. M. Ilboudo parle des solutions à apporter à l’insécurité, et invite les autorités à travailler à l’implication de l’ensemble des acteurs nationaux, sans discrimination aucune, dans ce processus d’écriture de l’histoire du Burkina. Lisez plutôt!

ACTUALITE.BF : Qu’est-ce qui a guidé la création de votre association ?

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Moussa Ilboudo : Nous sommes des acteurs du secteur privé et, à un moment donné, nous avons déploré les multiples grèves qui entravaient le traitement diligent de nos différents dossiers. Ces grèves menées tout azimut empêchaient la bonne marche de nos activités. C’est pourquoi, nos membres des treize régions se sont réunis pour porter sur les fonts baptismaux cette association. Il s’agissait, pour eux, de dénoncer les dérives afin que nos dossiers ne puissent plus être bloqués dans les administrations. Nous estimons que, pour que les affaires fonctionnent dans un pays, il faut que les acteurs du privé s’impliquent activement. Nous avons reçu notre récépissé en 2020 et sommes présents dans les treize régions du Burkina. Plus de 80% des citoyens au Burkina Faso évoluent dans le secteur privé. Aujourd’hui, avec la situation sécuritaire, nos membres ont des difficultés dans certaines zones, et cela impacte sur le fonctionnement administratif.  

Prenant l’exemple du Mali, nous nous rendons compte que la lutte contre le terrorisme est entrain d’y produire des effets positifs grâce à l’accompagnement de la Russie.

Moussa Ilboudo

ACTUALITE.BF : Avec l’avènement de la junte militaires au pouvoir, le Burkina Faso a amorcé une étape politico-sécuritaire nouvelle. Quelle analyse faites-vous des solutions déjà apportées sur le plan sécuritaire ? 

Moussa Ilboudo : Nous pensons que des actions fortes restent à être menées pour que l’économie nationale puisse prendre son envol. La situation sécuritaire nationale a des répercussions sur tous les domaines, particulièrement sur le secteur privé. En réalité, le secteur privé est beaucoup tributaire de l’Administration. Et comme celle-ci est touchée par la situation, ce secteur prend un coup également. C’est pourquoi, nous souhaitons que des actions fortes et rassurantes soient conduites sur le plan sécuritaire, pour que la paix revienne dans notre pays. Pour atteindre cet objectif, il s’avère nécessaire que nous diversifions notre coopération sur le plan sécuritaire, avec de nouveaux partenaires, notamment la Russie. Prenant l’exemple du Mali, nous nous rendons compte que la lutte contre le terrorisme est entrain d’y produire des effets positifs grâce à l’accompagnement de la Russie. Notre pays peut également expérimenter l’aide d’autres partenaires, afin de sortir de cette situation sécuritaire difficile.

 

ACTUALITE.BF : Vous parlez de la diversification des partenaires extérieurs dans la lutte contre le terrorisme. Ne pensez-vous pas qu’il s’agit d’une question prioritairement endogène, et que les solutions doivent suivre dans ce sens ?

Moussa Ilboudo : Bien sûr que c’est une question prioritairement endogène. Seulement, nous déplorons le fait que la bureaucratie a pris le dessus sur l’action de terrain.  Par exemple, en 1985 avec Thomas Sankara, nous n’avons pas eu besoin d’un partenaire extérieur pour mener la guerre, mais nous avons pu tirer notre épingle du jeu. Aujourd’hui, la réalité est toute autre, parce que nous avons besoin de l’aide d’une puissance extérieure comme la Russie.

Nous avons l’impression que la Russie veut aider les Africains à se libérer.

Moussa Ilboudo

ACTUALITE.BF : Pensez-vous que la solution magique viendra de la diversification des partenaires extérieurs ?   

Moussa Ilboudo : Le Mali prouve à souhait que la diversification peut porter fruit dans la lutte contre le terrorisme. Nous avons l’impression que la Russie veut aider les Africains à se libérer. Nous devons prendre le train en cours pour endiguer nos difficultés sécuritaires.

ACTUALITE.BF : La Russie peut-elle se battre pour le Burkina mieux que les Burkinabè eux-mêmes ?

Moussa Ilboudo : Peut-être qu’avec un contrat clair avec la Russie, nous pourrons engranger la victoire contre l’hydre terroriste. Nous soutenons nos Forces de Défense et de Sécurité (FDS) dans cette lutte, surtout en les encourageant à une synergie d’actions dans la lutte contre le terrorisme. Les populations doivent avoir confiance en leur armée et les accompagner. C’est pourquoi, lors des conférences de presse que nous avons animées, nous avons toujours prôné la concorde et la cohésion dans la lutte contre le terrorisme.  

ACTUALITE.BF : Comparaison n’est pas raison, dit-on. Pensez-vous que la solution malienne marche forcément au Burkina ?  

Moussa Ilboudo : Nous pensons que la Russie peut bel et bien nous prêter main forte, tout comme elle le fait avec le Mali. C’est l’actualité qui nous rassure que le Russie peut être un allié dans cette lutte contre l’hydre terroriste.

Une aide n’a jamais été de trop. C’est en cela que nous avons besoin d’autres partenaires comme la Russie.

Moussa Ilboudo

ACTUALITE.BF : La lutte contre le terrorisme n’est-elle pas une lutte de longue haleine? Le Mali poursuit sa lutte contre le terrorisme, tout comme le Burkina…  

Moussa Ilboudo : Notre souhait demeure que des victoires soient engrangées pour permettre une accalmie de la situation, afin que les populations vivent dans la quiétude chez elles. La multiplication des déplacés internes n’est pas de nature à rassurer. Par une synergie d’actions entre nos vaillantes FDS, nous devons absolument endiguer le terrorisme dans notre pays. Une aide n’a jamais été de trop. C’est en cela que nous avons besoin d’autres partenaires comme la Russie.

ACTUALITE.BF : Comment ressentez-vous les effets de la crise sécuritaire sur le plan économique ?

Moussa Ilboudo : C’est un secret de polichinelle, le fait que les retombées de la situation sécuritaire influent sur le plan économique. Par exemple, aucun texte ne protège nos opérateurs économiques nationaux à l’instar de nos députés qui bénéficient de l’immunité parlementaire. Cette situation encourage la fuite des opérateurs économiques nationaux pour aller investir dans d’autres pays. Cela n’arrange pas notre pays. Il faut absolument prendre des mesures pour protéger nos opérateurs économiques qui œuvrent à endiguer le chômage des jeunes à travers les opportunités d’emplois qu’ils créent.  Ce vide juridique qui existe depuis des années, n’est pas à l’avantage des acteurs économiques qui sont souvent utilisés par les politiciens et, après, abandonnés à leur triste sort. Il y a eu des cas au Burkina Faso où des opérateurs économiques qui investissent des milliards de Francs CFA ont eu des difficultés, et sont devenus comme de vulgaires personnes, alors qu’ils sont des acteurs clés de notre développement économique.  Nous déplorons cet état de fait qui s’est aggravé dans le contexte sécuritaire actuel.  

ACTUALITE.BF : Quel contenu mettez-vous dans la protection des opérateurs économiques dont vous parlez ?  

Moussa Ilboudo : Par exemple, un opérateur économique comme Inoussa Kanazoé a rencontré les difficultés dont nous faisions cas, alors qu’il est l’un des plus grand pourvoyeurs d’emplois au profit des jeunes Burkinabè. Un homme qui contribue ainsi au développement économique du Burkina devrait bénéficier d’une certaine protection.

…Nous devons travailler à ce que des mesures soient prises au niveau de l’Assemblée Législative de la Transition pour que des propositions de lois puissent protéger nos opérateurs économiques de façon globale.

Moussa Ilboudo

ACTUALITE.BF : Ce que vous décrivez n’a rien à voir avec l’aspect sécuritaire !

Moussa Ilboudo : Je veux dire qu’à une telle étape de l’histoire de notre pays, nous devons travailler à ce que des mesures soient prises au niveau de l’Assemblée Législative de la Transition pour que des propositions de lois puissent protéger nos opérateurs économiques de façon globale. Cela contribuerait à les encourager à l’investissement au plan national, en dépit de la situation sécuritaire difficile.

ACTUALITE.BF : Vous parlez du patronat et de ses droits. Qu’en est-il du consommateur, c’est-à-dire, du citoyen lambda aujourd’hui ? Les opérateurs économiques n’ont–il pas une part de responsabilité dans la cherté de la vie au Burkina ?

Moussa Ilboudo : C’est parce que je suis du secteur privé que je comprends beaucoup de choses qui s’y passent. La flambée des prix arrive à cause des taxes douanières. C’est au niveau de la douane qu’il faut agir pour alléger les frais. C’est ce qui pourra aider les consommateurs que nous sommes. C’est vrai que le pouvoir d’achat du Burkinabè n’est pas assez élevé, mais avec des réductions au niveau de la douane, nous pouvons ajuster la situation.

ACTUALITE.BF : Vous pointez du doigt la douane alors!

Moussa Ilboudo : Nous interpellons nos autorités à revoir la situation pour alléger les choses, afin que le niveau de vie soit acceptable au Burkina. Il faut qu’il y ait des produits de première nécessité qui soient exonérés de taxes pour être en adéquation avec le pouvoir d’achat du Burkinabè. Si un opérateur économique paye par exemple un droit de douane à hauteur de 3 millions de Francs CFA, et que ce droit connaît une hausse, il ne peut pas vendre ses articles au même prix. Cela est logique.

…Nous avons demandé, lors d’une conférence de presse par nous animée, que les opérateurs économiques mettent la main à la poche pour soutenir l’effort de guerre.

Moussa Ilboudo

ACTUALITE.BF : Quelle est votre contribution, en tant qu’acteur de la société civile et citoyen burkinabè, pour alléger la situation dans ce contexte historique du Burkina ?      

Moussa Ilboudo : Nous demandons à tous les Burkinabè de privilégier l’union des cœurs et la cohésion sociale. C’est la seule solution pour nous de sortir de la situation difficile que nous vivons présentement. Il faut cette concorde nationale à tous les niveaux et dans tous les corps socio-professionnels du Burkina, pour que nous venions à bout de l’hydre terroriste. Le Burkina a une armée de renommée dans toute l’Afrique. Il est temps que nous mettions cette compétence en œuvre pour vaincre le terrorisme dans notre pays qui a une superficie de plus de 274 000 kilomètres carrés. Aussi, nous avons demandé, lors d’une conférence de presse par nous animée, que les opérateurs économiques mettent la main à la poche pour soutenir l’effort de guerre. Mais nous ne devons pas perdre de vue le fait qu’il faut qu’il y ait la transparence pour que ces opérateurs puissent avoir le courage de s’investir davantage. Sans transparence dans la gestion, il peut y avoir une relative réticence.

ACTUALITE.BF : Qu’avez-vous à dire pour clore notre entretien ?

Nous demandons l’engagement de tous, dans la transparence, pour que la paix revienne au Faso. Nous demandons également à nos autorités de renforcer la collaboration avec l’ensemble des structures. Par exemple, la Chambre de commerce et d’industrie et le Conseil national de l’économie informelle, qui sont des structures économiques, n’ont pas eu de propositions pour siéger à l’Assemblée Législative de la Transition. Mais, ces structures pourraient faire prendre en compte leurs contributions à l’édification nationale. Nous devons faire valoir le patriotisme en toutes circonstances, au détriment du populisme.  La Transition doit prendre en compte tous les acteurs, sans discrimination aucune, pour le bien de la nation entière. Ainsi, les bases de la renaissance nationale seront bien lancées, afin de hisser le Burkina Faso au firmament des nations. Je vous remercie !

 

Interview réalisée par Innocent Mikomba, collaborateur