Siguiré : “L’école que nous avons fréquentée, qui devrait nous libérér, nous a enchaînés…”

Ceci est une tribune libre de l’écrivain Adama Siguiré.

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“Les Africains ont échoué par ignorance et non pas par esprit de corruption” Alain FOKA

Les Burkinabè doivent réussir en brisant l’ignorance pour construire un peuple dans une Nation.

J’ai écouté hier une courte vidéo du célèbre journaliste Alain FOKA qui résumait toute ma vision du développement. Quand j’étais encore à l’école, nos enseignants ont pu me convaincre que les pays africains sont pauvres. Plus tard, on me présente une vision plus politique de la cause de notre sous-développement. On me dit que le mal de l’Afrique, c’est la corruption, et pourtant, la corruption existe partout. Un ami me disait un jour que même dans les grandes institutions internationales, la corruption sévit, mais l’argent de la corruption n’est pas utilisé de la même manière. Il est allé loin même en prenant un exemple. Si pendant les vingt-sept années de règne de Blaise COMPAORÉ, tous ceux qui ont été ministres avaient volé l’argent du peuple pour construire des forages, des écoles et des centres de santé dans leurs villages, aujourd’hui, de nombreux villages seraient développés et l’on se demanderait d’où est venu l’argent. J’ai ri ce jour-là.

Mais, mon intime conviction reste telle : l’Afrique souffre de l’ignorance. Les Africains sont les plus ignorants du monde. Et l’ignorance crée un sentiment qui est le plus grand obstacle au développement : c’est la peur. Les Africains sont des peureux parce qu’ils sont des ignorants. Quand je quittais la fonction publique à vingt-neuf ans, j’avais une épouse et un fils. Et un ami qui s’inquiétait pour ma famille m’a demandé un jour : ” SIGUIRE, tu n’as plus de salaire, comment tu vas faire pour nourrir ton épouse et ton fils?” Voilà le sentiment de peur. Cette question m’a fait mal, et je n’ai pas pu lui donner une réponse. Il y a quel lien mathématique entre avoir un salaire et nourrir une famille? Ce lien n’existe pas, car on ne nourrit pas une famille avec un salaire, on nourrit une famille avec de l’argent acquis à la sueur de son front. Et le cordonnier tout comme le boutiquier et le marchand ambulant peuvent avoir de l’argent pour nourrir leurs familles.

Mais, voilà la triste réalité. L’école que nous avons fréquentée qui devrait nous libérér, nous a enchaînés physiquement et intellectuellement. Dès l’école primaire, toute l’histoire de l’homme noir se résume à la misère : nous avons subi l’esclavage, la traite négrière, la colonisation. On ne présente aucune bonne image de nos grands-parents. On nous dit: ” vos grands parents étaient faibles, alors vous êtes condamnés à la servitude..Voilà le véritable mal. J’ai eu un promotionnaire qui était très brillant au lycée. Devenu instituteur, suite à une absence non justifiée dans son poste et parce qu’il ne s’entendait pas avec son inspecteur, celui-ci fait couper son salaire. Il a subi toutes les mille souffrances et humiliations à Bobo avant de piquer une maladie bizarre pour aller décéder dans son village dans la misère. Cela m’a fait très mal.. Même le paysan burkinabè, le cultivateur, l’orpailleur sont plus courageux que de nombreux intellectuels burkinabè qui broient du noir et voient tout en noir.

Aujourd’hui, ceux qui prennent parti pour le départ de la France, pour la libération du Burkina, sont généralement des jeunes de moins de quarante ans qui n’ont souvent pas fait de longues études. De nombreux intellectuels burkinabè sont dans la peur et les calculs. C’est plus qu’une question d’intérêt. C’est aussi l’idée de la servitude, sinon de la servitude volontaire pour reprendre les mots de Étienne de La BOÉTIE. Ils sont convaincus que sans la France, nous ne serons rien. Le logiciel de la peur est installé dans notre cerveau et il s’active lui-même à la moindre difficulté que nous rencontrons. C’est notre mal. Et la peur vient de l’ignorance. On ignore sa capacité,son potentiel. On ignore son leadership, son intelligence. La peur vous demande de vous confier aux autres.

Emerson dit : ” La peut fait plus de mal que n’importe quel fléau au monde”.

Lors de mes formations, j’essaie de déconstruire cette peur de l’avenir. N’ayez peur de rien. Si vous mourrez , vous n’êtes pas le premier à mourir. Si vous subissez la honte, d’autres l’ont subie avant vous. Il n’y a rien de grave sur la terre. Rien! Vous trouvez votre épouse au lit avec un homme, souhaitez-leur bon amour et bon repos. Ce n’est pas grave. Dieu n’a pas créé une femme qui a votre nom gravé sur son visage. Le couple ou le mariage est juste un terrain d’entente pour jouer un match à durée indéterminée. Si l’autre transforme unilatéralement les règles du jeu, vous pouvez vous retirer. C’est simple.

Aujourd’hui, malgré les émotions et les fortes passions, je vois cette volonté de vaincre la peur. Du reste, Rien de grand ne s’accomplit sans passions, disait HEGEL, non pas avec passion, mais avec raison. On ne peut pas rêver de liberté, de souveraineté, sans une dose assumée de passion. La raison nous conseille trop la prudence. Nous devons savoir que l’école nous a enseigné un tas de mensonges. L’école française nous a enseigné la servitude. Voltaire, Montesquieu, Emmanuel Kant, Niestsche, René Descartes, tous étaient des menteurs utiles à leurs peuples. Personne ne vous présentera son mauvais côté quand il a des intérêts avec vous. Voyez comment les filles les plus mauvaises sourient et deviennent affables pour vous soutirer de l’argent. Voyez comment les hommes les plus cruels deviennent doux et débonnaires quand il vous font la cour aux premiers moments.

C’est la règle du jeu. Et le mensonge et la duperie sont les voies des intérêts, qu’ils soient individuels ou nationaux. Débarrassons-nous de la peur.

Si la France part, rien de pire ne nous arrivera. Si nous prenons notre destin en main, nous n’allons pas tous mourir. Au contraire, nous nous porterions mieux. Cela fait plus de 63 ans que nous dormons sur notre potentiel. Il est temps de l’exprimer. Les moments difficiles construisent des peuples forts. Il a fallu la seconde guerre mondiale pour que l’Allemagne et le Japon deviennent de grandes Nations, de grandes puissances.

Adama Amadé SIGUIRE

Écrivain Professionnel / Consultant