[Edito]CEDEAO-Mali : une guerre froide qui ne fait pas avancer l’Afrique

Tel un couperet, les sanctions de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) sont tombées sur le Mali dirigé par une junte militaire. En somme, il s’agit d’un isolement diplomatique doublé d’une asphyxie économique qui touche, non seulement le régime de transition, mais aussi et malheureusement, le peuple malien dans son entièreté. Or, Assami Goïta a fait une option de survie et d’avenir pour son pays. Seulement, le tact diplomatique et la stratégie politique lui ont fait défaut. Comme à nombre de révolutionnaires tranchants. Cette guerre géostratégique, qui signe le retour de la Russie en Afrique, n’est pas sans rappeler les années de braise…de la guerre froide. Et, il faut se demander si l’Afrique ne sera pas, une fois de plus, le dindon de la farce.

Wagner et le mandat de cinq ans sont la pomme de discorde entre la CEDEAO et les autorités maliennes. La première, dont les positions rejoignent celles de la France et des Etats-Unis, reproche au second de ne pas respecter ses engagements, et de jouer à un double-jeu. Le Mali, en retour, fait prévaloir sa souveraineté et son droit de se défendre.

De prime abord, il faut souligner que la CEDEAO mène une guerre préventive contre une nouvelle série de putschs dont le premier a commencé sous le ciel de Bamako. Après avoir toléré le double putsch de Goïta et le coup d’Etat de Doumbouya, les chefs d’Etat de la CEDEAO sentent la menace planer sur leurs têtes. Surtout, avec des bilans sécuritaires peu reluisants qui peuvent donner du grain à moudre à des ambitieux tapis dans les casernes.
La CEDEAO a donc jugé bon de frapper fort, pour exorciser ses armées de l’esprit du putsch. Seulement, voilà ! Cette CEDEAO, qui a préféré s’attaquer aux conséquences plutôt qu’aux causes, a été des plus maladroites.

En effet, l’opinion publique ouest-africaine a du mal à comprendre comment l’organisation sous-régionale peut bénir les coups d’Etat contre la constitution perpétrés en Côte d’Ivoire et en Guinée, et se montrer intransigeante envers des putschistes militaires. Plusieurs Ivoiriens et Guinéens sont morts en refusant de porter les camisoles de force des troisièmes mandats. En dehors de quelques réactions timides de principe, qu’a fait la CEDEAO ?
Que dire des élections contestées, et de la mauvaise gestion de la crise sécuritaire qui secoue les pays sahéliens ? Il est absurde que la CEDEAO, incapable depuis une décennie de constituer une force commune contre le terrorisme, trouve soudainement l’inspiration de constituer une coalition militaire qui pourrait éventuellement déloger la junte de Bamako.

Ceci dit, Assimi Goïta et sa suite ne sont pas non plus sur le bon chemin. Après une année et demi sans résultats tangibles dans la lutte contre le terrorisme, ils demandent un bonus de cinq ans, et veulent prendre des décisions solitaires, qui impacteront pourtant sur la sécurité des voisins.

L’argument de la souveraineté nationale ne saurait prévaloir sur celui de la souveraineté communautaire. Le Mali est libre de signer des accords avec les États de son choix, mais dès lors qu’il partage un même destin sécuritaire et économique avec d’autres pays de la communauté, il ne peut pas en faire à sa tête.
Amener Wagner au Mali est une idée novatrice, de nature à casser le rythme dans le camp des terroristes. Mais cette décision aura forcément une répercussion sur le Niger et le Burkina Faso voisins. D’où l’intérêt de privilégier des actions communes et solidaires, aux « actes héroïques isolés ».

In fine, la véritable solution contre le terrorisme ne viendra ni de Paris, ni de Moscou, ni de Washington. La solution viendra de l’Afrique et des Africains.
L’histoire de la seconde guerre mondiale et de la guerre froide doivent suffisamment instruire l’Afrique, pour lui faire comprendre que les puissants ne sont pas si divisés qu’ils le paraissent. Ils utilisent juste les faibles pour leurs jeux de positionnement, et trouvent toujours des passerelles et des terrains d’entente pour se partager leurs butins. La Russie et la France, malgré leurs divergences apparentes, ont bien plus de choses en commun qu’avec l’Afrique.

Vivement donc, que les pays africains se mettent ensemble, pour voir la même direction, et utiliser le maximum de leurs vastes potentiels pour se développer et compter réellement dans le commerce du monde. En attendant, que des médiateurs ramènent Bamako et la CEDEAO à la table du dialogue ! Toute autre option est une impasse, de part et d’autre.

La Rédaction