[EDITO] : Pour que le putsch du 24 janvier soit le dernier…


Aujourd’hui, c’est le 14 février, fête des amoureux. Après l’amour, ce n’est pas la guerre, dit-on. Mais combien de tourtereaux se sont-ils livré bataille après avoir coulé des jours heureux en tandem ? Il en va de même pour les peuples et leurs dirigeants. Tout nouveau, tout beau. Puis, l’attente se fait longue, et les divergences voient le jour. Le Mouvement Patriotique pour la Sauvegarde et la Restauration (MPSR) en fait l’expérience. Contrairement à un certain septembre 2015 où les auteurs du coup d’Etat se sont heurtés à une résistance populaire, ce coup de force a plutôt été bien accueilli par l’opinion. Tous voyaient en effet le déluge se profiler, sauf le régime MPP préoccupé à festoyer comme au temps de Noé. C’est parce qu’il y a la tête qu’il y a les yeux, relève l’adage. Comme pour dire que c’est parce qu’il y a un Etat, qu’il y a un pouvoir. C’est ainsi que, même si un coup d’Etat est condamnable, l’avènement du MPSR est venu redonner espoir. Peut-être même, trop d’espoir. Si bien que l’on n’est pas loin de la désillusion. Et, comme le chante Alpha Blondy, un coup d’Etat appelle un autre coup d’Etat. Ça, c’est la règle. Mais il y a l’exception. Comment donc les Burkinabè pourraient-ils conjurer le sort d’un nouveau putsch ?

Le consensus autour de la Charte

Annonces

L’Acte fondamental du MPSR, disait Me Guy Hervé Kam, est le frère siamois de l’Acte malien. Il est un objet constitutionnel non identifié, a qualifié l’homme de droit. Nos militaires se sont inspirés du cas malien, qui est en cours, et qui n’a donc pas témoigné de son succès. Mais l’on fonde l’espoir que la rédaction et l’adoption de la Charte de la transition s’inspireront de la Transition de 2015 en plusieurs points : par l’inclusion des acteurs, l’ouverture du débat, le mode de décisions et la neutralité des animateurs des organes par rapport aux élections à venir. Mais, à l’inverse de la Transition de 2015, nous devons nous fixer un délai nettement plus long, avec, comme priorité, la reconquête du territoire national. A l’inverse également de la Transition malienne, le MPSR doit tenir parole concernant les délais et les objectifs, et travailler à être une référence en termes de lutte contre le terrorisme et de transition politique réussie. Sécuriser le pays, réformer la démocratie et organiser des élections libres et transparentes pour passer le pouvoir à des autorités civiles compétentes : c’est le chemin de la gloire et d’immortalité pour le MPSR, un chemin cependant fait de ronces et de pierres. Et, il ne faut pas perdre de vue que ce sont les changements des règles du jeu en plein match qui entrainent les crises, le plus souvent internes aux groupes dirigeants.

Le gouvernement d’union comme bouclier

Après les manifestations contre le régime de Roch Kaboré, la Conférence Episcopale Burkina-Niger a fait une déclaration où elle a déclaré que personne, pris individuellement, n’avait la solution au problème du Burkina. C’est profond !

« Ecarter les politiciens », « écarter l’ancienne classe politique », « mettre à l’écart les civils ». Ce sont là quelques slogans opportunistes, de personnes estimant que l’heure est venue pour elles de tirer leurs marrons du feu. En situation normale, leur théorie s’appliquerait sans souci. Mais là, nous parlons d’une nation en sursis, pour emprunter une expression du journaliste Lookman Sawadogo. Et en termes de jurisprudence, le coup d’Etat du 16 septembre 2015 a échoué, en grande partie parce qu’il a été dirigé contre une transition auquel les composantes des forces vives se reconnaissaient.

Roch Kaboré n’a pas eu ce flair de constituer un gouvernement d’union nationale, qui a pourtant fait ses preuves dans un passé pas lointain. Il a préféré écouter son entourage qui, lui, n’avait d’yeux que pour 2025, la conservation du pouvoir, même au prix d’hécatombes.

Constituer un gouvernement d’union nationale, pas sous la forme de gâteau à partager mais sous l’insigne du sacerdoce collectif, est en réalité le meilleur bouclier pour la Transition. Les dirigeants peuvent être nommés sur la base du bénévolat, et il peut leur être exigé d’être probes et compétents. Et par gouvernement d’union, nous entendons une union par-delà les acteurs politiques. Les composantes religieuses, les OSC et les syndicats y sont inclus. Et le nombre ? Il ne sera pas pléthorique. C’est juste une question de dosage. Personne n’aurait droit à l’échec, puisque l’échec ne serait pas celui de Sandaogo, mais de tous. En plus, on travaillerait plus qu’on se plaindrait.

L’analyse consistant à dire que c’est la classe politique la seule responsable de la situation n’est pas exacte. La preuve est que les jeunes qui s’enrôlent dans les groupes terroristes ne font pas partie de cette classe politique, mais de la société burkinabè dans tous ses compartiments. Dès lors, mettre à l’écart tout ce pan de la nation, c’est non seulement le résultat d’un diagnostic raté, mais aussi le terreau d’éventuelles mobilisations de rues et de nouveaux putschs.

La réhabilitation des masses rurales

Un observateur des faits sécuritaires disait que la prochaine crise pourrait provenir des zones rurales vers les villes. Un mouvement contraire à l’insurrection. Plusieurs prémices comme les milices d’auto-défense, les insurrections locales armées et la défiance vis-à-vis de l’Etat, montrent que cette analyse faite avant la chute de Kaboré, est à prendre au sérieux.

Les villages du Burkina se sentaient déjà oubliés par les villes. Avec les attaques terroristes, ils se sentent désormais insultés par ces dernières. Les ruraux ne pourront pas supporter pendant longtemps de produire pour des urbains qui consomment sans gratitude, de fuir pendant que les urbains dansent, de pleurer à côté de citadins insouciants. 

La rupture annoncée devra partir de la diminution du train de vie de l’Etat. Des décisions simples peuvent être prises par le MPSR. Par exemple, plafonner les dépenses de téléphone dans les services. Au-delà d’une certaine somme par mois, le détenteur de la ligne paye le surplus. Ça permettra d’économiser des milliards de francs. Il est possible aussi d’évaluer, puis de plafonner la consommation d’électricité par l’utilisation de cartes, la rationalisation de la consommation d’eau, de carburant et de lubrifiants, la suppression des missions sans plus-value, la réduction du nombre de véhicules du parc automobile de l’Etat, l’instauration de la rigueur et de la ponctualité dans les services…

Les sommes économisées peuvent servir à faire en sorte que le cultivateur qui n’a rien récolté et l’éleveur qui a vu son bétail emporté, puissent être pris en compte dans le Burkina nouveau. Le concept est du chef de l’Etat himself.

Au-delà de cet aspect, il se pose la question de la répartition des richesses nationales. Le faible impact des mines sur les villages qui les abritent, l’inéquitable répartition des investissements, et le sentiment d’une capitale qui engloutit tout, sont des préoccupations à prendre très au sérieux. Car, si les pauvres paysans chassés de Foubé arrivent à Barsalogho, et si de Barsalogho ils continuent à Kaya sans le moindre espoir, ils finiront par arriver à Ouagadougou.

Gageons qu’avec la refondation, la paix et la sécurité puissent revenir progressivement, et que nos parents déplacés repartent dans leurs villages. Gageons également qu’une fois repartis, nous ferons en sorte que l’espérance y soit.

Pour l’essentiel, tous, y compris les Burkinabè qui ne portent pas le MPSR dans leurs cœurs (un droit absolu), doivent œuvrer à ce que le putsch du 24 janvier soit le dernier pour notre pays. Car, nous assistons là à un tournant décisif de l’histoire, et nous jouons une de nos dernières cartes, celle de l’existence du Burkina Faso. Replonger dans un cycle de putschs et de vengeances comme dans les années 80, c’est tout détruire et charger les survivants de la mission de reconstruire à zéro, pendant que nos ennemis étendront leur emprise. Que Dieu nous en garde !

La Rédaction