[Interview] Adama Siguiré : «C’est un nouveau plan politique que nous allons proposer.»

Écrivain et enseignant de philosophie, Adama Amadé Siguiré est connu dans le milieu intellectuel burkinabè pour son franc-parler et ses analyses politiques et sociétales poignantes. L’homme est auteur d’une dizaine de romans. Il a également animé des centaines de conférences à travers le pays.

Le samedi 31 juillet 2021, il a ajouté une corde à son arc, en fondant avec d’autres camarades, le parti politique «Fasosidrouw». Il occupe le rôle de chargé de communication et d’animation politique au sein de ce parti.

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Au sujet de ses ambitions politiques, de sa vie d’écrivain, et de sa lecture de l’actualité nationale, Adama Amadé Suiguiré a accordé un entretien à ACTUALITE.BF. C’était, le dimanche 1er août 2021 dans son cabinet situé dans l’arrondissement 9 de Ouagadougou.

ACTUALITE.BF : De l’écrivain à l’homme politique. Expliquez-nous le sens de votre parcours!

Adama Siguiré : Depuis samedi soir, je n’arrive pas à répondre à toutes ces questions. De l’écrivain à l’homme politique, je dirais que c’est la suite normale des choses. Je me suis toujours intéressé à la vie politique, et j’ai toujours cru qu’on devrait se battre pour un meilleur avenir. Je faisais mon bonhomme de chemin, et c’est avec d’autres amis qu’on est en train de mettre en place ce parti.

ACTUALITE.BF : Pourquoi n’avoir pas rejoint un grand parti déjà implanté?

Adama Siguiré : Nous n’allons pas rejoindre un grand parti déjà en place. On veut proposer quelque chose de neuf, quelque chose de concret, quelque chose de pragmatique. On veut proposer une rupture complète à la population burkinabè. Maintenant, il appartiendra aux Burkinabè de nous accepter ou pas . C’est une aventure, c’est une tentative que nous voulons expérimenter avec nos ambitions, avec nos convictions. C’est complètement une autre forme de faire la politique que nous voulons montrer aux Burkinabè. Vont-ils nous accepter ou pas? «Wait and see !»

A.BF : Le Mouvement SENS, qui était aussi composé d’intellectuels, n’a pas fait un bon score aux législatives passées. Comment vous préparez-vous pour ne pas connaître le même sort?

Adama Siguiré : J’évite les comparaisons. La politique au Burkina est rude et dure. Nous en sommes très conscients. Il y a assez de difficultés. Nous savons que tout tourne autour de l’argent. Mais je suis de ceux qui pensent que les Burkinabè sont de plus en plus fatigués. Ils doivent eux-même se donner de l’intelligence. C’est pourquoi nous allons leur proposer cette nouvelle version de faire la politique pour voir si ça va marcher ou pas.

ACTUALITE.BF : Vous prônez la rupture. Sur le paysage politique, on voit déjà plusieurs autres partis qui ont le même crédo. Pourquoi ne pas vous rassembler en une seule formation ?

Adama Siguiré : Ce n’est pas le côté intellectuel qu’il faut voir. La politique ne se passe pas forcément du côté intellectuel, mais du côté des idées. Nous avons une autre façon de faire; nous avons conçu un autre modèle de développement. C’est ce modèle-là que nous allons proposer aux Burkinabè pour voir ce que ça va donner.

ACTUALITE.BF : Quel est votre objectif personnel dans cette démarche ? Avoir un poste de nomination ? Être élu dans votre localité ?

Adama Siguiré: Oui! Avec le temps. Nous ne faisons que commencer. Le samedi, en réalité, ce n’était qu’une assemblée constitutionnelle que nous avons organisée. Nous avons été un peu surpris par la presse qui a vendu la mèche. On ne s’attendait pas trop à cela. On ne fait que commencer. Vous allez entendre parler de nous dans l’avenir.

ACTUALITE.BF : Comment se porte l’écrivain Adama Suiguiré? Y a-t-il une production en vue ?

Adama Siguiré : Ma vie d’écrivain se porte bien. Je viens de publier « Les grandes lignes politiques de l’écrivain professionnel. Peut-on espérer une gouvernance virtuelle sous le courant de Roch Marc Christian Kaboré ? ». C’est un ensemble de mes analyses politiques, parce que je m’intéresse beaucoup à la politique. Ma vie d’ecrivain, c’est avec ses hauts et ses bas. C’est toute une passion pour moi. C’était un rêve, et je suis en train de le réaliser. Je ne me plains pas; je rends grâce à Dieu. Parce que je ne pensais pas que j’allais être à ce niveau. Quand vous quittez votre village, quand vous êtes issu d’une famille qui n’est pas aristocrate, et que vous arrivez à produire 10 livres, à en vendre plus de 50 000 exemplaires, et à vous faire connaître dans votre pays, je crois qu’il faut rendre grâce à Dieu.

ACTUALITE.BF : Comment voyez-vous l’avenir du livre au Burkina, en lien avec l’avènement des éditions numériques et les ventes sur Amazon et assimilés?

Adama Siguiré : Nous aussi, nous sommes en train d’aller vers le numérique. Le livre, ce n’est pas seulement le papier. Il y a aussi le numérique. Nous sommes en train de faire cette transition. Moi je serai sur Amazon dans quelques mois. Les préparatifs sont en cours. J’écris actuellement, et les gens achètent des versions numériques. Je ne pense pas que le numérique va mettre fin au livre. Il appartient aux acteurs du livre de s’adapter au contexte nouveau, et de pouvoir évoluer avec cela.

ACTUALITE.BF : Ne pensez-vous pas que votre nouvelle vie de militant politique peut entamer votre crédibilité d’écrivain, surtout avec votre concept de livre politique du mois?

Adama Siguiré : Vous savez, je me suis toujours engagé politiquement, d’une manière ou d’une autre. Cette façon de m’engager, ce n’est pas pour servir quelqu’un. De toute façon, les gens me connaissent. Je suis un homme très libre. Je suis un philosophe. Je me suis engagé pour une cause que j’estime noble. Si à un certain moment, je vois que ça ne va pas bien où je vais, j’en tirerai les conclusions. De toute façon, ceux qui me connaissent savent que j’ai toujours été engagé, que j’ai toujours défendu la bonne cause, et que j’ai toujours défendu le Burkina Faso. Les preuves sont palpables. J’ai toujours affirmé, lors de mes interviews, que je ne vais pas passer mon temps seulement à écrire et à animer des conférences. J’ai animé plus de 200 conférences à travers le Burkina Faso. J’ai écrit 10 livres. Il y avait forcément un moment où j’allais m’engager en politique. J’ai d’autres ambitions. Je suis en train d’entamer la seconde étape de mes ambitions, comme cela. Je suis un homme de conviction. Ça peut réussir, comme ça peut échouer.

ACTUALITE.BF : Quelle est votre analyse sur le processus de réconciliation nationale ?

Adama Siguiré : La Réconciliation nationale, on en parle trop. C’est plutôt une réconciliation politique et politicienne. En réalité, le problème aujourd’hui, c’est plus les hommes politiques qui sont divisés et ils veulent s’entendre. C’est tout! Ce n’est pas une réconciliation sur le plan national. Sur le plan national, on a d’autres problèmes qu’un problème de réconciliation. On a un problème d’insécurité et de mauvaise gouvernance. Maintenant, la réconciliation qui suppose une entente, concerne peut-être être le MPP et le CDP. C’est juste un arrangement entre les hommes politiques. Tant mieux si ça peut les aider.

ACTUALITE.BF : Justement, que propose votre parti pour combattre efficacement le terrorisme et la corruption ?

Adama Siguiré : Sur la sécurité, nous sommes toujours en réflexion. Nous n’allons pas dévoiler nos batteries de sitôt. Mais sur la lutte contre la mauvaise gouvernance, nous allons dévoiler notre stratégie politique. Il s’agira pour nous, d’abord, d’être des exemples et de montrer suffisamment que nous sommes patriotes. Le problème des politiciens ici, c’est le fait qu’ils n’aiment pas le Burkina Faso. De toute façon, nous aurons notre rentrée politique. Nous sommes en train de mettre en place toutes nos stratégies politiques sur tous les plans. Nous sommes assez matures, responsables et intelligents, pour rédiger toutes nos lignes politiques. Et je vous demande de nous suivre avec le temps.

ACTUALITE.BF : Que pensez-vous de la présence de militaires français sur nos sols?

Adama Siguiré : Cette présence est hypocrite. Je me suis toujours demandé ce que l’armée française fait au Burkina. Et quel est l’intérêt qu’elle a toujours à rester, à partir du moment qu’on dit qu’il y a plus de 12 000 soldats français de la force Barkhane déployés au Mali, mais qui assistent impunément, sans faire quoi que ce soit, face aux attaques terroristes. Je crois qu’il appartient aux Africains de signer de nouveaux contrats avec la France, ou, à défaut, de chercher d’autres partenaires. On ne peut pas continuer sur ce chemin-là.

ACTUALITE.BF : Quel est votre dernier mot?

Adama Siguiré : Je voudrais juste vous remercier pour cet entretien, et vous demander d’être patient et de nous suivre. Je suis de ceux qui pensent que faire la politique, ce n’est pas se salir, c’est plutôt contribuer au développement de son pays, d’une manière ou d’une autre. C’est un nouveau plan politique que nous allons proposer. C’est complètement une rupture politique. Et nous demandons aux Burkinabè de nous suivre pour voir ce que nous allons produire, et chercher d’abord à comprendre avant de critiquer. Parce que les gens sont généralement dans les critiques, sans chercher à comprendre. Ils auront le temps de nous critiquer. Nous resterons ouverts.

Interview réalisée par Nabi Bayala et Souleymane Zoetgnandé