Ceci est une tribune de Abdoulaye Diallo sur les méthodes de lutte contre le terrorisme au Burkina.
Bonjour les amis
Dans l’un de mes précédents posts en rendant hommages à nos compatriotes tombés à Falagountou et à Mangora, j’avais aussi dit qu’il y a nécessité de bien diagnostiquer le phénomène du terrorisme afin d’apporter des réponses adéquates. J’avais également signaler que le tout militaire n’était certainement pas la solution.
Ce post a suscité beaucoup de réactions. Certaines de bonne foi ont souhaité que je puisse mieux expliquer pourquoi je pense que le tout militaire n’est pas la solution.
Alors je me propose de revenir sur cette question.
D’abord je ne suis pas le détenteur de cette assertion, je la tiens de beaucoup de chercheurs et de plusieurs intellectuels dont des spécialistes de la sécurité. Donc ce n’est pas nouveau mais je me plie à cette exercice en espérant que cela puisse contribuer à un débat constructif.
Voilà ma pensée résumée en 5 points sur le fait que ce sera contreproductif de continuer sur la voie du tout militaire uniquement :
1. Le tout militaire uniquement n’a jamais marché durablement nulle part, surtout quand le problème ou différend oppose les protagonistes du même pays. Or, aujourd’hui, personne ne conteste que la crise sécuritaire que connait le Burkina est essentiellement animé par des nationaux pour des raisons largement documentées par les chercheurs et même l’armée burkinabè.
2. Le tout militaire uniquement attise la crise car il n’offre pas d’alternatives aux combattants d’en face que de continuer le combat. On dit que les victoires d’Alexandre le Grand étaient en partie dues au fait qu’il accordait, pendant les batailles une échappatoire à ses ennemis. Si on veut réduire les groupes armés terroristes à leur plus simple expression, il faut nécessairement prévoir une issue non violente à leur reddition. Sinon, ils ne leur restera que le choix de mourir. Une telle issue décuple l’énergie du désespoir et radicalise l’ennemi. Comme dit un proverbe africain : « si le lièvre est acculé et n’a pas d’issue, il pousse des cornes ».
3. Le tout militaire uniquement est inadapté à la nature du conflit dans certaines localités où il s’est greffé à des tensions entre des communautés. L’Etat ne doit pas alimenter ces tensions en donnant l’impression de prendre partie pour un des protagonistes. Ce qu’il doit faire, c’est d’encourager des dialogues communautaires pour calmer la situation dans un premier temps et envisager dans un second temps le désarmement de toutes les parties, conditions indispensables pour une paix durable. Seules les forces publiques doivent détenir des armes dans les localités où sévissent ces conflits de type communautaire.
4. Le tout militaire uniquement affaiblit les autres segments de l’appareil sécuritaire et les institutions de la République qui voient leurs rôles minimisés
5. Le tout militaire uniquement met en insécurité tous les Burkinabè car c’est tout le pays qui risque de s’embrasser. On le voit déjà avec la multiplication des attaques dans presque toutes les régions du pays. L’exemple de l’opération Utapuanu a l’Est qui n’a fait que dégrader davantage la situation sécuritaire jusqu’à perdre la région de l’Est. Ce n’est pas moi qui le dit mais tous les chercheurs sur la question l’affirment. En 2020 il eut plus de 120 Opérations au Sahel dans la zone des trois frontières mais aujourd’hui il ne nous reste plus que Dori. L’exemple le plus récent c’est solenzo qui a entraîné la généralisation de la violence dans toute la Boucle du Mouhoun.
Enfin, le tout militairement uniquement ne prémunit pas d’une récidive ou d’une volonté de vengeance. Car il a ceci d’inconvenant c’est qu’il finit par l’humiliation de la partie vaincue. Deux exemples en Afrique de l’ouest à propos du problème touareg. Le Mali et le Niger n’ont pas eu la même approche dans le solutionnement de cet irrédentisme. Le Mali, de Modibo Keita à Moussa Traoré ont fait le choix de la force militaire, non pas pour résoudre le problème, mais pour faire taire les touareg. Résultat des courses, le Mali se retrouve avec un Azawad qui veut résolument vivre en dehors de la République malienne. A contrario, le Niger a su trouver une alternative au tout militaire, en faisant droit aux revendications de ses touaregs. Jusque-là, la cohabitation est plutôt moins heurtée.
Enfin, plus loin dans l’histoire, on peut imaginer que si l’Allemagne n’avait pas été vaincu et humilié en 1918, probablement qu’il n’y aurait pas eu Hitler et donc pas la seconde guerre mondiale.
Il faut donc, dans un contexte où il faut bien continuer à vivre ensemble, songer dans la conduite du conflit à des actions qui vont faciliter les retrouvailles.
Voilà ce que je pense et que plusieurs chercheurs ont partagé. La plupart des chercheurs sérieux sur la question pensent pour ce qui concernent le cas du Burkina, que ce n’est pas partout que les armes doivent crépiter. Ils estiment aussi qu’une bonne partie des GAT sont constitués par des gens qui ont rejoint par force, par esprit de vengeance, contrainte ou qu’ils n’ont pas eu le choix. Il semble que beaucoup d’entre ceux qui ont rejoint de manière circonstanciel sont fatigués de cette vie et souhaitent revenir à une vie normale mais se trouvent coincés. Je pense qu’il faut trouver le bon discours et leur faire une autre offre que celle des GAT. Il faut leur donner le choix et la majorité d’entre eux, lassés, pourraient rentrer dans les rangs de la république.
Cela demande la mobilisation de toutes les intelligences et l’union de tous et de toutes les communautés.
Voilà ma modeste contribution sur cette interpellation.