[Tribune] « La jeunesse, fut-elle consciencieuse, représente-t-elle la majorité ? » (NAB)

Ceci est une tribune de Newton Ahmed Barry.

De l’opération de communication !

Quoi dire qui puisse être entendu dans un océan de gens convaincus qui n’attendaient que d’être rassurés sur leurs propres certitudes ?
La “jeunesse consciente” est bien heureuse. Son soleil s’est levé. Dire qu’il ne se couchera jamais ? C’est oublier que les slogans ne font pas la révolution.

En 2014, on avait dit que « plus rien ne sera comme avant… ». Qui s’en souvient encore ? L’histoire n’est pas linéaire. Elle peut parfois ramener des pires moments que l’on croyait honnis à jamais.
C’est le cas des coups d’Etat militaires qui reviennent à la mode.

Ce qu’il faut dire et répéter, et notre riche histoire devrait nous être d’un secours, « tout ce qui est construit dans l’exclusion et avec les seuls partisans ne survit pas à ses initiateurs ». Les dirigeants doivent apprendre à « co construire ».
Mais à la décharge du capitaine, il n’a l’air de ne savoir que faire la guerre…
On attend donc qu’il la fasse. Pour l’instant il dit qu’il ne l’a pas encore commencée.
Les milliers de personnes qui chaque jour sont sur les routes, sommés par les terroristes de quitter leur domicile, peuvent donc se consoler. Le capitaine n’a pas encore commencé sa guerre. Comme on dit, le temps c’est l’autre nom de Dieu.

Mais sans vouloir fâcher !

Le président capitaine devrait être plus respectueux de la douleur des familles des suppliciés de Nouna. Qu’il ne puisse ou ne veuille pas leur rendre justice est une chose. Mais qu’il se croit obligé de les accabler avec la morgue dont il a fait montre n’est pas convenable.

Les rescapés sont là et même si personne ne les protège, leurs témoignages, sauf résultat contraire d’une enquête impartiale font foi. Un des rescapés a expliqué que ses bourreaux étaient en train de l’emmener en brousse pour l’exécuter quand leur téléphone a sonné. Celui qui leur a parlé a l’autre bout du fil les a instruit de faire demi tour et ramener la personne enlevée dans la cour du chef dozo. C’est ce qu’ils ont fait. Arrivée chez le chef dozo il y avait la mobilisation des notables musulmans qui ont permis de le sauver.
Ce n’est peut-être pas suffisant pour camper définitivement une conviction. Mais c’est assez pour éviter au président IB, du haut de sa puissance, une sortie qui blesse inutilement.

Que faisons-nous pour nos compatriotes ?

Nous faisons hélas peu de choses. Parce que nous ne sommes investis d’aucun pouvoir et nous n’avons pas l’armada qui protège le capitaine président.

Mais nous faisons tout notre possible pour alerter, conscientiser et secourir quand c’est possible.

  • Nos alertes ont permis parfois de sauver des vies. Pas beaucoup hélas. Car justement nous avons en face une opinion nationale gagnée par la psychose et chauffée à blanc par les propos et les discours du genre tenus par le président IB dans son interview.
  • C’est bien de reconnaître ce que nous n’avons de cesse de répéter depuis plusieurs années. Nos compatriotes ne doivent pas prendre leurs compatriotes Peulh comme des ennemis. Les Peulh sont autant, sinon plus victimes, du terrorisme que tous les Burkinabè. Ce que nous demandons c’est une solidarité nationale autour de la communauté Peulh et non pas une ostracisation qui ne peut pas être la solution au terrorisme. Que le président IB le reconnaisse, alléluia !

Mais l’histoire l’a placé à un niveau où il ne doit pas que faire un constat. Il peut et doit agir et ramener la concorde nationale. C’est pourquoi nous insistons pour dire que avant de commencer la guerre, heureusement elle n’a pas encore commencé, posons-nous la question primordiale : « quelle victoire souhaitons-nous »? Regardons l’attitude des occidentaux dans la guerre en Ukraine. Quand ils refusent de donner certaines armes aux ukrainiens que visent-ils ? Ont-ils peur d’être entraînés dans la guerre ? Oui ! Mais pas que.

Instruit par l’histoire et sachant ce que la guerre veut dire, ils souhaitent que l’Ukraine ne soit pas vaincue, mais ils souhaitent également éviter l’humiliation à la Russie. Parceque une Russie humilié peut conduire à des conséquences ingérables sur plusieurs décennies.
Nous devons avoir également cette intelligence. Mais une fois de plus je comprends que de jeunes officiers qui n’ont pas le parcours politique de leurs prédécesseurs comme les Thomas SANKARA, ne puissent pas avoir une vision holistique dans la conduite des affaires de l’Etat. Il ne s’agit pas de les déconsidérer. Pas du tout. Il s’agit d’un constat factuel. Ce que nous disons devrait les pousser à en prendre conscience et à combler leurs lacunes. S’ils réussissent ce sera tout à leur honneur. Personne ne se souviendra des admonestations d’un pauvre journaliste.

Enfin, comme vous le savez, je n’ai pas été complaisant avec le Colonel Damiba, mais il faut lui savoir gré d’avoir été le premier à reconnaître que le sort fait aux Peulh Burkinabè dans la lutte contre le terrorisme n’était pas acceptable. C’est pourquoi il a travaillé à réformer les VDP en les faisant encadrer dans un dispositif militaire. Il est heureux de savoir que le président IB a poursuivi cette œuvre dans la loi révisée sur les VDP. Il urge maintenant que les actes suivent. C’est une question de droits humains. Si les prévôts peuvent être incorporés dans les unités combattantes c’est tant mieux. Mais avant tout, il faut une parole politique très claire qui abaisse les tensions et résorbe les méfiances.
Cette guerre non encore commencée va être longue. Nous avons besoin d’un peuple soudé dans toutes ces composantes. Nous avons également besoin de nos voisins et de tous nos partenaires. Ça va être difficile de les rassembler à nos seules conditions. Ils ne sont pas nos obligés comme nous ne sommes pas les leurs. Mais c’est vrai que beaucoup savent qu’ils ont intérêt à ce que le Burkina reste debout. Mais c’est à nous de savoir que dans la situation présente, nous avons plus besoin d’eux que eux n’ont besoin de nous. On peut aller à Conakry. Pourquoi pas? On peut faire la fédération Mali-Burkina avec la capitale à Sikasso. Mais à quoi bon se mutiler si on peut garder nos membres intacts ? Et puis il s’agit d’un État et d’un peuple. Cette nouvelle orientation de notre diplomatie fait-elle vraiment consensus? La jeunesse, fut-elle consciencieuse, représente t’elle la majorité ? Ou bien ces questions n’ont plus d’intérêt au Burkina et qui a la légitimité d’en décider ?

J’ai dit et je le répète le danger le plus grand contre notre pays c’est l’Etat Islamique au Sahel (EIS) la nouvelle Wilayat de l’EIGS. La région du Sahel comprenant nos quatre provinces septentrionales sont immédiatement menacés de nous échapper définitivement : il s’agit de L’Oudalan, Seno, Yagha et dans une moindre mesure le Soum.
Vous aurez remarqué la gêne du président IB à propos de Falagountou. Que les djihadistes n’occupent pas les territoires directement relève d’une stratégie tirée de l’expérience de l’occupation du nord Mali par AQMI et le MUJAO. Cela ne peut pas être considéré comme un signe de leur faiblesse. Falagountou nous a pour l’instant échappé. Personne ne s’en réjouit. Mais c’est hélas un fait. En parlant de Falagountou nous avons une pensée émue pour nos gendarmes tombés et aussi pour ceux portés disparus. Depuis Inata de nombreux gendarmes sont portés disparus et d’autres sont entre les mains des terroristes comme otages. Le gouvernement devrait en faire une préoccupation. Les familles de nos soldats enlevés et détenus ont besoin de savoir que la nation ne les a pas abandonnés. Les initiatives commencées sous les régimes précédents doivent se poursuivre. Certains intermédiaires n’ont pas toujours été traités convenablement dans le processus. Notre État doit en tout temps montrer qu’il a une parole. Il y va de la vie de nos otages. Et chaque vie est sacrée et mérite qu’on se batte pour elle. Surtout quand il s’agit de ceux qui risquent leur vie pour la patrie. Accordons de l’importance à l’homme. Tout ce que nous faisons n’a de sens que si l’être humain y est sacralisé.

Allah aide ceux qui s’aident !

NAB