Ceci est une tribune de Dr Hyacinthe W. Ouédraogo, Écrivain, Enseignant-Chercheur, Président du Mouvement Conscience Nouvelle (MCN) et Membre du Groupe d’Initiatives pour la Refondation de la Patrie (GIRP).
L’inquiétude de beaucoup d’analystes sur la question est fondée. Voici mon analyse :
Dans un passé très récent, la Libye de Kadhafi a été victime d’une déstabilisation systématique ourdie par l’OTAN. On peut même soutenir, avec preuve à l’appui, que c’est l’opérationnalisation de ce projet funeste qui justifie le retour, en 2009, de la France de Sarkozy dans le commandement intégré de l’OTAN qu’elle avait quitté depuis 1966. La Libye fut attaquée, Kadhafi livré à ses ennemis libyens tout comme l’avait été en 1961 Patrice Lumumba, l’opposant des Belges.
Les pays africains ont assisté à l’agression de la Libye sans rechigner pour la plupart. Chacun avait oublié que quand la case de ton voisin brûle, tu as l’obligation de lui porter secours, pas seulement par humanisme, mais aussi pour prévenir l’incendie chez toi. Même Blaise Compaoré l’ami du guide libyen l’avait lâché pour reconnaître le CNT soutenu par l’OTAN. La suite on la connait. L’embrasement de la Libye s’est propagé à la bande sahélo-saharienne. Le terrorisme de 2011 à nos jours est devenu une menace préoccupante pour tous les États ouest-africains.
L’histoire est pour une nation ce qu’est le rétroviseur pour un véhicule. Elle nous permet d’éclairer le présent pour mieux préparer le futur. La connaissance des faits marquants de l’histoire permet d’éviter les erreurs du passé. L’histoire récente ou postcoloniale de l’Afrique est pleine de leçons qui auraient pu épargner l’Afrique de bien de projets funestes de l’impérialisme et des exigences du nouvel ordre. Mais les dirigeants africains n’apprennent pas de l’histoire de leurs propres nations. Cela condamne toute l’Afrique à une répétition cyclique de ce passé douloureux fait d’esclavagisme, de traite transatlantique, d’écrasement colonial et surtout de spoliation néocoloniale. En 2023, la marche de l’histoire interpelle les Burkinabè et bien plus les Africains. Ensemble nous devons dire NON à la «LIBYSATION» du Burkina Faso.
En Somalie, les manœuvres occidentales conjuguées à la passivité des États africains a consacré des décennies de guerre civile puis le morcellement du pays.
La Somalisation a été préjudiciable aux États voisins et a créé un chaos généralisé dont souffre encore toute l’Afrique orientale. S’il faut accuser les Occidentaux d’ingérence et d’être de faux sapeurs pompiers, les dirigeants des États africains sont plus incriminables. Leur politique de passivité et de repli intérieur voire d’insouciance pour l’Afrique en est la principale cause.
De même que la fragilisation de la Libye et la fragmentation de la Somalie n’ont pas été sans conséquences dommageables pour les États voisins, de même, si elle devrait avoir lieu, la désintégration du Mali et du Burkina Faso ne se limitera pas à ces pays seulement. L’étape suivante sera sans doute la propagation du terrorisme dans les pays voisins et de façon irrésistible.
Le monde glisse vers une restructuration et un nouveau partage des espaces dits «la périphérie». L’Afrique si riche de ses atouts naturels et de ses réserves minières et fossiles risque de passer sous le contrôle de l’impérialisme international. Avec le nouvel ordre mondial, c’est une reconquête plus atroce qui se peaufine. Hier c’était la Libye. Aujourd’hui c’est le Mali, le Burkina Faso et le Niger. Demain ça sera la Côte d’Ivoire, le Ghana, la Guinée, le Togo, le Bénin et bien d’autres.
On se rappelle lors de la conquête coloniale de l’Afrique, la désunion entre les entités politiques sur le continent a facilité la tâche des conquérants blancs, qui du reste, ont appliqué avec finesse la politique du diviser pour régner. L’opposition fratricide entre Samory Touré, Ba-Bemba Traoré (du Kenedougou) et Tiefo Amoro (du pays Tiefo) n’a eu pour conséquence que leur soumission par les troupes étrangères. C’est de cela qu’il s’agit encore aujourd’hui. La méthode a changé mais les objectifs restent les mêmes : l’asservissement de l’Afrique et des Africains.
L’Afrique n’a pas d’autres choix que de se réveiller. Kwame N’Krumah disait dans son livre énigmatique que l’Afrique doit s’unir ou périr. Si aujourd’hui le Ghana peut accuser son pays frère le Burkina Faso à l’ONU, si des pays voisins préfèrent se rallier à la France ( le bourreau historique de l’Afrique) pour torpiller le Burkina Faso que de le soutenir dans cette guerre contre le terrorisme qui n’est rien d’autre qu’une guerre contre l’impérialisme, c’est que les Africains n’ont rien encore compris. La sublimation de l’Occident a plongé les dirigeants africains dans un profond sommeil. Leur réveil risque d’être très douloureux. À quand l’Afrique ?
Dieu soutienne le BF et l’Afrique !
Dr Hyacinthe W. Ouédraogo, Écrivain, Enseignant-Chercheur, Président du Mouvement Conscience Nouvelle (MCN) et Membre du Groupe d’Initiatives pour la Refondation de la Patrie (GIRP).