[Tribune] Evacuation des populations de Madjoari par hélicoptère : stratégie militaire ou aveux d’impuissance ?

Ceci est une tribune libre de Bassirou Badjo, journaliste et blogueur. Le titre d’origine est : “Evacuation des populations de Madjoari par hélicoptère : stratégie militaire ou aveux d’impuissance des nouvelles autorités face à l’hydre terroriste dans cette partie du pays?”

Hier, nous avons tous appris que nos parents ont été héliportés à Fada. Stratégie militaire ou aveux d’impuissance? C’est la question qui taraude mon esprit même si les faits permettent à chacun de se faire une idée.

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Depuis pratiquement 2020, la commune de Madjoari est sous embargo. Ces 08 villages se sont vidés petit à petit de leurs habitants. C’est à Tambarga seulement qu’on pouvait voir des habitants. La saison passée, la population n’a pas pu cultiver à cause de la menace terroristes. Une population qui vit à 90% de l’agriculture peut-elle s’en sortir si elle ne travaille pas? La réponse est tout simplement non.

L’embargo sur Madjoari était effectif. Personne ne rentre, personne ne sort. Plusieurs personnes qui ont osé prendre la route en son temps ont été la cible des HANI ou des fauves.

La situation s’est dégradée ces derniers mois avec des populations affamées qui manquent de minimum pour se nourrir. Le CSPS qui restait encore fonctionnel à Tambarga manque de minimum même du paracétamol. Les populations étaient obligés de se nourrir avec des graines de neré ou du soja. C’est avec du sésame que les femmes font du savon pour préserver un peu de leur dignité. Plus les jours avancent, plus la situation de complique. Le 14 mai 2022, les populations escortées par les VDP et les FDS ont été à Namouyouri (village de la commune) pour cueillir des mangues pour se nourrir. Le retour fut fatal. 17 personnes tuées et 7 blessés évacués à Fada. Bien avant cet épisode tragique, les femmes allant cueillir des mangues ont été copieusement battues.

Au petit matin du 19 mai 2022, le détachement militaire de Tambarga a été la cible d’une attaque terroriste. 11 soldats tombés et 20 blessés. Si les terroristes peuvent pénétrer dans le village, attaquer et incendier le camp militaire et repartir dans la nature, que seront la vie de nos parents estimés en son temps à 600 habitants sans armes? Le jour de l’attaque, l’hélico ayant apporté le renfort à Madjoari est revenue avec 30 habitants de Madjoari à Fada. C’était le début de l’évacuation

La suite, je vous épargne des témoignages que nous avons recueilli avec les parents évacués. Depuis trois jours sur instructions ou conseils, nos populations ont pris les routes de Nadiagou pour les uns et Diapaga, Namounou pour les autres. Des destinations qui ne seront jamais atteintes pour la plus part. Selon certains rescapés, les populations dans leur fuite sont tombés sur les HANI à Singou. Seulement les personnes âgées et les femmes ont été épargnées. Les hommes ont subi la colère des HANI. Environ 50 personnes seraient tuées.

Au même moment sur l’axe Tambarga-Namounou, un autre groupe faisait face aux HANI. Dans leur fuite un frère a été mordu par un serpent. Transporté au CMA de Diapaga, il est malheureusement décédé hier.

Hier, nous avons appris que 78 personnes ont pu rejoindre Fada. Quelques-uns restent encore pour faire de Tambarga, donc la commune de Madjoari sans habitants. Pendant combien de temps les militaires vont rester là-bas? Pour faire quoi? Posons-nous cette question!

Alors où était cette stratégie d’évacuation quand les habitants manquaient de minimum pour se nourrir au point de rencontrer la mort en allant chercher des mangues? Que dire des vivres qui étaient stockés au camp en attente d’être convoyés vers Madjoari? Même le préfet de Madjoari n’a pas fait mieux en détenant 2 500 000F destinés aux PDI de la commune (dont des partenaires de la région de l’Est) pendant que la nécessité des vivres était imminente.

Après Madjoari, à qui le tour? Nadiagou? Pama ou Kompienga?

Paix aux âmes des disparus. Prompt rétablissement aux blessés. Puisse le Tout Puissant toucher les cœurs des hommes sans foi ni loi afin qu’ils libèrent les otages. Puisse t-Il toucher les cœurs de nos dirigeants afin qu’ils se réveillent pour faire face à l’ennemi commun.

Bassirou Badjo