[Tribune de Siguiré] Burkina Faso : choisir entre la nourriture, les routes, les industries et la démocratie

Ceci est une tribune libre de l’écrivain Adama Siguiré.

Je ne suis pas contre la démocratie. Au contraire, je l’admire. Platon était si arrogant en pensant qu’il y avait des hommes qui sont nés pour gouverner et d’autres qui sont nés pour être gouvernés. Rousseau a été assez réaliste en reconnaissant que la démocratie reste le meilleur modèle pour élire les dirigeants dans ce monde moderne. Il a été aussi réaliste en reconnaissant que la démocratie exige du peuple une maturité et un niveau d’instruction assez élevé. La question qui se pose est celle-ci : les Burkinabè sont-ils assez matures pour se développer dans la démocratie? Nous devons quitter les cours théoriques, les textes et les livres académiques pour poser le débat. Nous ne trouverons pas la bonne réponse si nous voulons répondre à cette question en faisant référence à un cours de droit, de philosophie politique ou de relations internationales.

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Hier, pendant que j’évoquais la problématique de la prolongation ou non de la Transition en juillet 2024, le Président Ibrahim TRAORE était à Sourgou, une commune rurale de la province du Boulkiemdé à une quinzaine de kilomètres de Koudougou pour la pose de la première pierre d’une usine. Cela fait moins de deux ans que le Capitaine Ibrahim TRAORE est au pouvoir, et si je ne me trompe pas, c’est la construction de la troisième usine qui a été lancée. Sur le plan agricole, hier soir, le premier producteur burkinabè des semences améliorées me disait ceci au téléphone : “Avec la vision du Président, nous allons doter tous les producteurs burkinabè de semences améliorées dans les deux années à venir. La révolution agricole est une réalité”.

Ce n’est point du griotisme. Personne ne demande encore l’amour de quelqu’un dans ce pays. Nous devons être réalistes. Le pouvoir du Capitaine Ibrahim TRAORE est contesté par des élites, par des OSC, par des démocrates et par des partisans de la liberté. Mais, posons-nous cette question : que nous proposent tous ces hommes qui n’ont d’yeux que pour la démocratie et les libertés ? Il appartient au peuple de choisir entre la nourriture, les routes, les industries et la démocratie. Il nous appartient de choisir. Le devoir de nous autres dans ce contexte, c’est de dire la vérité, c’est d’éveiller les consciences des masses. Chaque système a ses avantages et ses inconvénients. Il n’y a pas une grande opposition entre la dialectique de Hegel et la logique d’Aristote. Les deux théories sont scientifiques et elles donnent des résultats. Sauf que la logique est accessible à la minorité et la dialectique est accessible à tous.

Pendant plus de trente années, nous avons choisi la dialectique. Nous avons fait beaucoup de bruit. Nous avons fait des thèses, des antithèses et des synthèses. Nous avons discuté, nous avons écouté tout le monde. Mais, les populations n’ont pas à manger. Elles n’ont pas de routes. Elles n’ont pas de centres de santé. Les jeunes gens n’ont pas d’emploi. Et nous sommes victimes des attaques terroristes. Voilà où nous en sommes avec soixante années de démocratie. Et c’est à l’image de la Grèce qui a été le premier pays à expérimenter la démocratie. La Grèce opte pour la démocratie depuis l’antiquité et la France opte pour la démocratie au 19e siècle, précisément en 1848. Comparez vous-mêmes les deux pays sur le plan économique!

Dans les mois à venir, nous devons nous assumer. Nous devons choisir entre le développement socio-économique et la démocratie et ses élections. Pour le moment, nous n’avons aucune capacité qui nous permet de concilier développement socio-économique et organisation des élections. Mais, tout est possible quand le peuple ne croit pas en l’impossible.

Adama Amade SIGUIRE
Écrivain Professionnel
Consultant en leadership et management des cellules sociales
Enseignant de philosophie.