[Tribune de Dr HK] Crises et mutations géopolitiques : quel avenir pour l’Afrique ?

Ceci est une tribune de Dr Harouna intitulée Crises et mutations géopolitiques : quel avenir pour l’Afrique ?

Le monde est en pleine recomposition. L’ordre multilatéral hérité de l’après guerre mondiale vacille sous l’effet de crises multiples : fragmentation des alliances, essoufflement des institutions internationales, montée des nouvelles puissances émergentes comme les BRICS, crises économiques à répétition, changement climatique accéléré, guerre économique et expansion du terrorisme.

L’Afrique, longtemps considérée comme un acteur marginal de ces dynamiques mais impacté durement , se retrouve aujourd’hui au cœur des enjeux mondiaux. Comment nos économies doivent-elles s’adapter à ces bouleversements ? Quelles stratégies pour renforcer notre résilience et éviter d’être les victimes collatérales de ces mutations ?

Un multilatéralisme en crise et un monde en redéfinition

Les institutions multilatérales, conçues pour stabiliser les relations internationales et favoriser la coopération, peinent à s’adapter aux nouvelles réalités. L’ONU, l’OMC, le FMI et la Banque mondiale font face à une contestation croissante, notamment de la part des pays émergents, qui dénoncent un ordre économique et politique injuste. Les plans de développement conçus par certaines de ces institutions ont connus des résultats mitigés sur le continent africain. Certains comme le PAS ont été une catastrophe pour les pays africains et les conséquences les plus visibles c’est la destruction du système éducatif et sanitaire de nombreux pays africains . Cette remise en question s’est matérialisée par l’expansion des BRICS, qui cherchent à créer un contre-pouvoir face à l’Occident, notamment en développant des mécanismes alternatifs comme la Nouvelle Banque de Développement.

Pour l’Afrique, cela offre une opportunité et un risque : une diversification des partenariats économiques, mais aussi un risque d’être enfermée dans une nouvelle forme de dépendance comme si l’on quittait un maître pour un autre . La question clé est donc celle de notre capacité à tirer parti de cette recomposition géopolitique pour affirmer nos propres priorités et intérêts. Facile à dire mais difficile à faire ? Peut-être mais pas impossible à réaliser. Faisons un bref état des lieux des grandes questions.

Des crises économiques et de la fragilité des économies africaines

L’Afrique subit de plein fouet les secousses des crises économiques mondiales. L’inflation galopante, la volatilité des prix des matières premières, la montée des dettes souveraines ont mis en difficulté plusieurs pays africains. Beaucoup sont piégés dans une spirale d’endettement, dépendant des financements extérieurs pour assurer leur fonctionnement.

En parallèle, la mise en place de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf) tarde à produire ses effets concrets. Le commerce intra-africain reste limité, les infrastructures de transport et de production sont insuffisantes, le coût de l’énergie reste élevée et les barrières tarifaires et non tarifaires persistent. Les matières premières sont faiblement transformées sur place dans les pays rendant les économies très influençables aux chocs extérieurs.
Les crises successives notamment la pandémie de la Covid 19, la guerre en Ukraine, les tensions commerciales sino-américaines ont montré la vulnérabilité de nos économies.

Du changement climatique, de l’insécurité et des conflits : une triple menace

Le changement climatique exacerbe les fragilités économiques et sociales du continent. La désertification, la baisse des rendements agricoles et les catastrophes naturelles poussent des millions de personnes à l’exode, alimentant les tensions sociales et la pression sur les villes. Les conflits pour l’accès aux ressources se multiplient, notamment entre agriculteurs et éleveurs.

À cela s’ajoute le terrorisme, qui gangrène plusieurs régions du continent, notamment le Sahel. Les groupes armés exploitent la pauvreté, le manque d’opportunités économiques et la faiblesse des États pour recruter et s’étendre. Cette insécurité entrave le développement économique en détruisant les infrastructures, en décourageant l’investissement et en détournant des ressources précieuses vers les dépenses sécuritaires.
Enfin les conflits entre États africains, souvent liés aux frontières héritées de la colonisation, aux différends économiques ou aux rivalités politiques, affaiblissent l’unité du continent et freinent son développement. Une aubaine pour l’industrie occidentale de l’armement qui s’enrichit davantage ces dernières années en Afrique de l’Ouest, au Soudan, en RDC etc…Les ressources destinées aux autres secteurs d’activités sont utilisées pour acheter des armes et ouvrant dans certains pays une caverne de corruption et d’enrichissement illicite.

Que faire ? Une nouvelle approche pour nos économies et pour notre stabilité

L’Afrique ne peut plus se permettre d’être un simple spectateur des mutations géopolitiques mondiales. Face à ces défis, une transformation radicale des modèles économiques africains et de notre système de sécurité s’impose. Cette transformation pourrait d’articuler autour des axes stratégiques que sont : l’accélération de l’industrialisation et la transformation locale des matières premières ; le renforcement de l’intégration économique intra-africaine; le développement des partenariats stratégiques équilibrés, le renforcement de la résilience climatique et la sécurité alimentaire; la réforme de la gouvernance économique et financière; la mise en place d’institutions démocratiques solides pour sortir des instabilités politiques qui causent des dégâts socioéconomiques énormes et qui installent les pays dans des incertitudes mortifères.

Aussi pour remédier aux conflits entre État, l’Afrique doit renforcer ses mécanismes de prévention et de résolution pacifique des différends. Il est urgent de promouvoir une diplomatie proactive, fondée sur le dialogue, la médiation et la coopération régionale. L’Union Africaine et les organisations sous-régionales doivent jouer un rôle central en imposant des mécanismes contraignants de règlement des conflits et en favorisant l’intégration économique comme facteur de stabilisation. Plutôt que de dépendre d’arbitrages extérieurs, il est temps que l’Afrique prenne en main sa propre sécurité collective en développant des institutions de défense et de diplomatie capables d’anticiper et de désamorcer les tensions avant qu’elles ne dégénèrent en crises ouvertes.

Prenons date !

Définitivement, Il est temps de rompre avec la dépendance économique et de bâtir des économies résilientes, capables de faire face aux chocs extérieurs. L’Afrique a les ressources, le potentiel humain et l’ingéniosité nécessaires pour relever ce défi. La question n’est plus de savoir si nous devons changer de paradigme, mais comment nous allons le faire, et avec quelle rapidité. Agissons davantage maintenant !

Dr HK