Ceci est une tribune de l’imam, Ismaël Tiendrebeogo, dénonçant l’arrestation et la maltraitance d’un citoyen sur délit de faciès.
Un frère est venu de la province du Boulgou pour voir la parcelle que son frère résident à l’étranger a acheté. A son arrivée à Ouagadougou, il a été intercepté à la descente du car par des VDP. Ils lui ont demandé sa pièce d’identité, qu’il a présentée. Mais ça ne semblait pas suffire, car on lui a demandé son passeport, parce qu’il vient de l’extérieur. Il l’a sorti. On lui a demandé l’objet de sa visite. Il a répondu être venu regarder le terrain que son frère a acheté à Ouagadougou. On lui a alors demandé les papiers de ladite parcelle. Il les a présentés. Mais tout ceci ne semblait toujours pas suffire parce qu’on lui a quand même dit qu’il ressemblait à un terroriste et cela a suffi pour qu’on le ligotât séance tenante et la police soit appelée. Il est resté ligoté jusqu’à ce que vienne le véhicule du commissariat. On l’y a fait monté, menotté. Quand on l’a descendu au commissariat, on l’a mis à genoux à côté du mât du drapeau pendant plus de 2 heures, pour attendre la venue du commissaire, en lui interdisant de prendre ses appels téléphoniques. Quand le commissaire est arrivé, il lui a demandé qui est-ce qu’il connaissait à Ouaga. Il a cité le nom d’une autorité. Le commissaire lui a enjoint de l’appeler. Quand cette autorité (avec qui j’ai vérifié les choses) est arrivée, elle a marqué sa désapprobation pour le traitement infligé à quelqu’un sur qui ils n’ont rien trouvé, pas même un couteau et qui a par ailleurs présenté tous ses papiers et les preuves de sa visite a Ouaga.
Selon toute vraisemblance et en l’absence d’une notification formelle d’éléments à charge, les signes d’appartenance à l’islam (barbe et boubou, qui ne sont plus d’ailleurs l’apanage des seuls musulmans tandis que de nombreux musulmans ne sont ni barbus ni en boubou) étaient le motif de la suspicion.
Heureusement que le monsieur a fait preuve de retenue et de patience. Si à un moment donné, il avait fait preuve d’exaspération et avait prononcé un mot plus haut que l’autre, Dieu seul sait ce qui aurait pu lui arriver. Mais on se rappelle que, à l’Est, des policiers avaient été filmés disant à des citoyens qu’ils pourraient les tuer et les faire passer pour des terroristes. Heureusement, le responsable de l’équipe avait été révoqué en conseil des ministres.
Malheureusement, ce ne sont là que quelques cas connus, qui doivent interpeller nos consciences (Yirgou, Nouna, etc.), Dieu seul sait combien d’autres, il y en a eu dans l’anonymat, la souffrance et la douleur injustes.
Ce n’est pas en agissant aveuglément que nous trouverons la porte de sortie. Ce n’est pas en allant dans une surenchère d’inhumanité à qui-mieux-mieux avec les terroristes, qui sont déjà sans foi ni loi, que nous trouverons une issue heureuse à notre situation préoccupante. Nous n’aurons notre salut qu’en faisant preuve de plus de justice et de discernement que ceux qui nous endeuillent et sont parvenus, malheureusement, à ébranler les fondements de votre vie commune et à nous faire renoncer en une bonne part de notre humanité.
Omar, le 2e calife de l’islam, disait, avant d’engager les musulmans dans la guerre : « redoutez davantage vos péchés que vos ennemis. C’est uniquement parce que vous serez justes et commettrez moins de péchés que vos ennemis que Dieu vous accordera la victoire sur eux ».
Imam Ismael Tiendrebeogo