Siguiré : “La démocratie n’est pas si mauvaise que ça. Mais, elle n’est pas faite pour l’Afrique.”

Ceci est une tribune libre de l’écrivain professionnelle Adama Siguiré, publiée sur ses plateformes ce 23 avril 2022.

Demain 24 avril, aura lieu le second tour des élections présidentielles en France qui opposera Emmanuel MACRON à Marine LE PEN. Et j’ai suivi attentivement la campagne électorale française. Rassurez-vous, je n’ai aucune envie de devenir un Français. Je ne rêve même pas d’aller en France. Je suis resté attaché à mon principe. La vie est faite pour apprendre. Et on apprend avec tout le monde. À Bobo Dioulasso, il m’arrive un matin de prendre ma voiture et d’aller en ville, au bord de la voie, pour m’asseoir avec le libraire SAWADOGO pendant près d’une heure pour l’écouter parler de certains sujets. Le jour où vous n’aurez rien à apprendre sur la terre, vous devez humblement arrêter de vivre. C’est mon point de vue.

J’ai suivi donc attentivement les débats lors de la campagne électorale française: Valérie PÉCRESSE, Éric ZEMMOUR, Marine LE PEN, Emmanuel MACRON et bien d’autres candidats m’ont beaucoup marqué. Je retiens une chose qui caractérise tous ces candidats: leur amour pour la France. De la France, chacun en fait sa propriété et croit avoir le meilleur programme politique pour servir ce pays. Les débats sont souvent houleux. Les passions s’enchainent. Mais, l’objectif reste unique: servir la Nation. Il n y a que la France qui compte. Il n y a que l’intérêt des Français à défendre.

J’ai beaucoup admiré la qualité des débats.La prestance dans les discours, le choix des arguments, la stratégie de communication, tout cela laissait voir des candidats convaincus chacun que son programme politique est le meilleur. Au premier tour, aucun des candidats n’est élu. Les Français ont écouté tous les candidats et ils ont dispersé leurs voix de telle sorte qu,aucun candidat n’a franchi la barre des 30 %. Incroyable, Emmanuel MACRON,candidat président est incapable de se faire élire au premier tour face à des candidats qui n’ont pas tous une grande notoriété. Mais MACRON doit affronter LE PEN et le débat du jeudi soir a révélé une Marine LE PEN prête à déposer ses valise à l’Elysée. Tout cela me renvoie dans mon pays: le Burkina Faso.

En novembre 2020, Roch KABORE se fait élire au premier tour en augmentant son score par rapport à 2015 alors qu’il faisait face à douze autres candidats. Que dire ici au Burkina de la qualité du débat politique? C’est l’expression de l’arrogance et de la fatuité. “HAKUNA MATATA, il va nous envoyer la mer, alors apprenons à nager.” C’est symptomatique. On ne cherche pas à convaincre son adversaire. On ne propose pas un projet politique. On reste dans le dénigrement, dans les moqueries, sinon dans les humiliations. Si l,on ne chante pas, on danse ou l,on saute pour galvaniser les participants aux meetings. Sur les plateaux de télévisions, on s’enferme dans l’arrogance et le mépris, et on refuse souvent de répondre aux questions des journalistes.

En définitive, j’arrive à la conclusion que la démocratie est un véritable jeu d’intelligence, mais elle n’est pas faite pour nous. Notre contexte ne peut pas s,adapter à cet exercice. Nous ne sommes pas éduqués au débat dans la tolérance et le respect des autres. Ce qui m’a encore marqué lors de ces élections françaises, aucun candidat ne parle de ses diplômes, de ses titres, de son grade. Il faut convaincre les électeurs par les arguments. Ici, pour certains, les diplômes, les titres et les grades sont des arguments. Je suis professeur titulaire des universités alors, tu es petit pour débattre avec moi, comme si faire un débat, c’est s’inscrire pour une thèse de doctorat. Et on entend des incultes dire: tu es qui pour débattre avec ce grand professeur? La médiocrité règne de la base au sommet.

La démocratie est un luxe pour l’Afrique. Inventons notre voie. Même dans 1000 ans ,je ne pense pas que nous serons mûrs pour ce jeu de la raison appelé démocratie.