Sénégal : uniformiser le régime foncier de l’eau pour faciliter l’accès à cette ressource vitale

Quel est le point commun entre santé publique, sécurité alimentaire, moyens de subsistance, santé et résilience des écosystèmes ? La réponse tient en un mot : l’eau.

Pour beaucoup de Sénégalais, comme pour 1.2 milliards de personnes dans le monde, qui n’ont pas accès à l’eau potable ou sont en situation de stress hydrique élevé à critique, la question de la carence en matière de gouvernance de l’eau est une question urgente et vitale, dans la mesure où elles permettent, d’une part d’établir les règles et les processus de prise et d’application des décisions dans la gestion et l’allocation des ressources en eau (une bonne gouvernance en somme), et d’autre part de déterminer les parts de responsabilités des décideurs sur cette même question.

En Afrique subsaharienne généralement et au Sénégal plus particulièrement, la situation des ressources en eau sont soumises à des facteurs majeurs qui impactent fortement la disponibilité en eau par habitant.

Selon le rapport de synthèse de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), publié en 2021, et intitulé, L’État des ressources en terres et en eau pour l’alimentation et l’agriculture dans le monde – Des systèmes au bord de la rupture, les disponibilités en eau par habitant (en Afrique subsaharienne) ont baissé de 40 % au cours de la dernière décennie et la superficie agricole est passée de 0,80 à 0,64 hectare/habitant entre 2000 et 2017. En cause, les facteurs évidents du changement climatique, des périodes de sécheresse prolongées, mais aussi l’expansion des agglomérations, l’augmentation de la population, la pollution et la surexploitation des eaux souterraines.

Une concurrence de plus en plus prononcée s’installe entre éleveurs et agriculteurs sénégalais pour l’accès aux ressources limitées en eau. C’est justement dans ce contexte qu’une évaluation de la propriété de l’eau s’impose comme un point crucial au Sénégal. Entre législation formelle pour l’accès à l’eau, et règles coutumières multigénérationnelles adoptées par les individus pour déterminer leur part d’eau, c’est notamment le cas de plusieurs pays en développement, chacun des deux systèmes détermine distinctement le droit d’accès à l’eau, d’où les désaccords et les conflits peuvent avoir lieu, comme on pourrait l’imaginer.

Selon Benjamin Kiersch, coordinateur du projet de la FAO KnoWat, pour Mieux connaître l’eau, “Les populations rurales ont leurs propres mécanismes de gestion des conflits, et cela fonctionne souvent jusqu’à ce qu’ils se disputent avec un gros consommateur d’eau ou un grand barrage en construction. C’est pourquoi la propriété de l’eau est si importante. Cela permet aux acteurs d’examiner ces différents systèmes de droits et de s’assurer que toutes les personnes sont en mesure d’accéder à l’eau, et ce, dont elles ont besoin pour avoir une sécurité juridique pour ce faire”.

Des pêcheurs et des agriculteurs sénégalais, notamment dans le bassin du delta du fleuve Sénégal, exercent leurs métiers en dehors de toute reconnaissance juridique. Pêcher dans le fleuve par exemple, est une pratique coutumière dans le pays, sauf que le cadre juridique ne reconnaît pas cette pratique, il en va de même pour un certain type d’agriculture, dite de décrue, pourrait être vulnérable et se trouver gravement impactée par la création d’un barrage par le gouvernement.

La problématique de l’accès à l’eau au Sénégal dans un contexte de pénurie nécessite de renforcer le régime foncier de l’eau revient à consolider la gouvernance de l’eau apte à assurer un accès plus équitable et plus durable aux ressources.

Sur la question de la gouvernance de l’eau, Lifeng Li, directeur de la Division des terres et des eaux de la FAO a déclaré que “Les feuilles de route nationales sur l’eau (au Sénégal) ont été élaborées pour favoriser l’action collective au niveau national afin d’améliorer la gestion et la gouvernance de l’eau à l’appui des objectifs de développement durable”. Et d’ajouter que “La question est de savoir comment résoudre ce casse-tête du développement durable pour les hommes et la planète. Nous pensons qu’une gouvernance responsable de l’eau, y compris le travail sur le régime foncier de l’eau par le biais des feuilles de route nationales sur l’eau, est un outil important pour relever le défi de la décennie”.

La complexité de la question du foncier de l’eau qui implique plusieurs dimensions (économique, sociale, etc.) et les conflits qui en découlent nécessitent un travail de fond depuis le niveau local jusqu’au niveau décisionnel et politique à l’échelle nationale. Que les dirigeants, comme les citoyens sénégalais comprennent les enjeux de sécurité alimentaire et de développement durable des communautés pastorales et agraires tributaires des sources d’eau douce, cela revêt une grande importance, dans un contexte de contrainte climatique et pénurie, pour uniformiser les règles du foncier de l’eau et garantir la légitimité et le mode de vie des Sénégalais dont le droit est basé sur des traditions autochtones.

Agence Anadolu