Massacre de Karma : révélations et appel solennel du CISC

CECI EST UNE DECLARATION DU CISC SUR LE MASSACRE DE KARMA ET VILLAGES VOISINS DANS LE NORD DU BURKINA.

C’est avec tristesse et indignation que le Collectif contre l’Impunité et la Stigmatisation des Communautés (CISC) a été saisi des cas d’exécutions sommaires de civils, le jeudi 20 avril 2023, dans les villages de Karma, Dinguiri, Ramdolah, Kerga, Ménè… dans la commune de Barga, région du Nord. Ces massacres sont attribués à des Hommes armés assimilés à des éléments des Forces de Défense et de Sécurité burkinabè (FDS).

Le bilan provisoire, évalué à plus d’une centaine de victimes civiles, continue de s’alourdir au fil des recherches, selon les témoignages recueillis sur le terrain. Pour l’instant, nos équipes ont documenté et enregistré 136 corps sans vie à Karma dont 50 femmes et 21 enfants parmi lesquels on a pu constater des bébés de moins de 30 jours tués sur le dos de leurs mères. Des personnes ressources comme l’imam, le muezin et le conseiller villageois de dévelopement (CVD) qui étaient tous en carême ont été tuées.

Dans les autres villages, au moins 6 personnes ont été tuées à Dinguiri, 2 personnes à Ménè ainsi que 3 autres sur la route Ouahigouya-Barga. Une dizaine de civils blessés ont été transferés au Centre Hospitalier Universitaire de Ouahigouya.

Selon les témoignages de cinq (5) sources directes, c’est le jeudi 20 avril 2023, vers 7h30 mn, que les villages ont commencé à recevoir la visite des hommes armés, arborant des tenues militaires burkinabè qui sont venus en grand nombre sur des motos, des pickups et des blindés. Ils ont regroupé les civils par dizaines et par quartiers, en prenant soin d’affecter des hommes armés à chaque regroupement, avec pour mot d’ordre: “Tuez tout le monde”. Les assaillants s’exprimaient en plusieurs langues, notamment en francais, en mooré, en dioula et en lobiri.

Les gens arrivent à réconnaitre facilement les langues grace à leurs déplacements à l’intérieur du pays et aux activités d’orpaillage. Parmi eux, un s’est illustré par son carractère cruel, car il menaçait les hommes chargés des exécutions à accèlerer les tueries. Ces derniers s’exécutèrent, en tuant toute personne rencontrée sur leur chémin: femmes, personnes du troisème âge et enfants. Il convient de souligner que dix-neuf (19) personnes, placées sous la garde d’un sous groupe, ont été épargnés, car ces hommes armés ont désisté par la suite. Subséquemment à ce carnage, les habitants des villages (20) de la commune de Barga et des localités voisines ont abandonné leurs terres pour se refugier à Ouahigouya.

Ces massacres surviennent à la suite d’une attaque terroriste, le 15 avril 2023, ayant occasionné la mort de 6 soldats et d’au moins 34 auxiliaires de l’armée, dans un village situé à mi chemin entre Ouahigouya et Barga. Des témoignages de survivants indiquent que les assaillants accusaient les habitants du village d’abriter des membres de groupes terroristes.

Le CISC note avec amertume que ce massacre n’est pas isolé. Il condamne avec force et véhémence ce dernier massacre qui fait suite à d’autres cas déjà perpetrés ces derniers mois. Il s’agit entre autres:

  • 8 mars 2023 à Rollo (Centre Nord): 21 personnes tuées au cours d’une opération conduite par des Hommes armés assimilés à des FDS et des VDP
  • 2 février 2023 à Sakoani, Piéga, Kankangou… (Est): 30 personnes assassinées par un convoi militaire qui escorte la mine de Boungou :
  • 8 aout 2023 à Tougouri (Centre-Nord): au moins 50 personnes assassinées lors d’une opération militaire:
  • 30 et 31 décembre 2022 à Nouna (Boucle de Mouhoun): plus de 28 personnes tuées par des dozos enrolés VDP:

Depuis janvier 2019, l’Etat major général des armées et tous les gouvernements successsifs ont toujours promis des enquêtes judiciaires pour situer les responsabilités. Mais force est de constater que les parquets civils et miliatires n’ont jamais fait le point des enquêtes judiciaires.

Il apparait que l’impunité ouvre la voie à toutes les dérives possibles, pouvant aller de règlements de comptes à des massacres à grande échelle. Avec ce comportement, les forces de défense et de sécurité inspirent la peur et la méfiance aux populations, faisant le lit aux groupes terroristes qui se présentent dans certaines localités comme leurs défenseurs et leurs protecteurs.

Il est grand temps que les plus hautes autorités revoient en urgence la politique de lutte contre le terrorisme qui conduit à une banalisation de la vie humaine. Il appartient surtout au Président de la Transition, Chef suprême des forces armées, de se démarquer, de montrer sa posture d’Homme d’Etat, soucieux du droit à la vie, qui protège tous ses concitoyens.

Partant de là, le CISC:

■ Présente ses condoléances aux familles endeuillées et souhaite prompt rétablissement aux blessés.

■ Salue les autorités pour leur implication pour l’enterrement des victimes en ce jour 27 avril 2023.

■ Encourage les éléments des forces de défense et de sécurité (FDS) qui se battent nuit et jour pour garantir la securité aux citoyens tout en respactant les codes de la république.

Aussi, il exige:

  • Une enquête judiciaire complète et impartiale sur ces crimes horribles de civils, afin de traduire tous les responsables et les commanditaires devant la justice nationale et internationale;
  • le respect des accords internationaux en matière des droits humains, ratifiés par le Burkina Faso

Enfin, il invite:

  • Tous les Burkinabè à s’insurger contre ces crimes qui nuisent à l’intérêt de notre Nation et à soutenir les populations de Karma et des villages voisins
  • Tous les amis et partenaires du Burkina à mettre tout en œuvre pour que ces crimes de masse ne se réproduisent plus.

Pour le Bureau Exécutif National;
Dr Daouda DIALLO
Lauréat du Prix Martin Ennals
(Prix Nobel des DDH)
Chevalier de l’Ordre de l’Etalon