Ceci est une tribune libre de Jean Léonard Bouda sur l’impact de l’utilisation des réseaux sociaux.
Les réseaux sociaux sont des outils de communication et d’information puissants et facilement accessibles. Ils ont bien simplifié la vie dans certaines conditions. On peut aisément appeler l’oncle de Soubré en vidéo, on peut trouver des cours pour nous instruire mieux, on peut vendre ou acheter via ce canal, on peut prier ou recevoir l’évangile ou les prêches islamiques par Facebook.
Soixante ans après les indépendances, le miroir que le colon avait donné à nos grands-parents a été remplacé par la caméra du smartphone qui permet par selfie pour rendre public ce qu’on est en train de faire et de rendre ainsi public ce qui était intime. Bien de jeunes ont renoncé à la cigarette ou à d’autres vices, mais certains ont découvert la chicha et d’autres sont devenus dépendant des réseaux sociaux. Escroquerie, chantage, vol d’informations, cyber prostitution, diffamation sont autant de dangers pour les utilisateurs.
Sur les 3,43 milliards d’utilisateurs Internet dans le monde, 2,28 milliards de personnes (un tiers de la population mondiale) visitent régulièrement les réseaux sociaux (avec Facebook en tête )[1] . Plus de 453 328 534 Africains (37,4% )[2] de la population africaine sont connectés aux réseaux sociaux. C’est l’arme fatale des jeunes mais aussi des terroristes. Avant on croyait ce qui était dit à la radio ou écrit dans un journal. Maintenant on croit ce qui se dit sur Facebook au point que les gouvernements s’obligent à y veiller pour chaque fois apporter des démentis et souvent couper l’accès. Quant aux parents, ils peinent à inculquer un savoir sain aux enfants qui le plus souvent confronte la vérité reçue des parents à celle publiée sur Google par « d’éminents savants ». La religion aussi a fini par se convaincre qu’elle peut trouver de nouveaux disciples dans ce Sodome et Gomorrhe numériques tandis que certains célibataires espèrent y trouver l’âme sœur et que d’autres y comptent pour assouvir leurs pulsions sexuelles.
Une génération livrée à elle-même.
La jeunesse africaine passe beaucoup de temps sur les réseaux sociaux parce qu’elle a beaucoup de temps à tuer. Les portes de l’emploi étant cloisonnées pour la plupart des jeunes et l’entreprenariat pas inaccessible par manque de moyens, le chômage et la pauvreté ont grandi et les inégalités sociales se sont creusées. En quête de reconnaissance, certains jeunes sont prêts à tout pour gagner de la notoriété. L’argent facile et les buzz sont devenus les moyens privilégiés pour paraître afin d’obtenir des likes et des followers. Les injures, le manque de respect sont pris à la légère sur Facebook. Mais en fait, est-ce les réseaux sociaux qui abrutissent certains de nos jeunes ou est-ce le reflet de notre société ? Les réseaux sociaux se trouvent dans tous les continents. Comment se fait-il que tous les continents ne soient pas atteints du même virus d’abrutissement ? Les réseaux sociaux sont le reflet de l’état de la jeunesse. Si celle-ci se trouve déjà pervertie dans la réalité, cela se sentira bien dans la virtualité. On arrive difficilement à faire la distinction entre vie publique et vie privée. La prostitution et les autres vices existant dans le continent se sont amplifiés avec Facebook ; Instagram ; Snapchat ; WhatsApp …
Au-delà de la jeunesse qui se perd de plus en plus (abandon des activités scolaire et de formation au profit de la présence dans les réseaux sociaux, culture de la haine, défiance aux ainés et aux autorités) on constate une population de plus en plus accros, préférant se priver de nourriture ou de bien utiles pour un smartphone ou pour des crédits de connexion.
Une fuite de capitaux
Sur les deux millions d’utilisateurs des réseaux sociaux, 98,9% le sont via des smartphones. En estimant une consommation moyenne de 3000F CFA par mois et par utilisateur, on arrive à 6 milliards de sommes dépensées par mois pour se connecter soit 72 milliards par an. De quoi construire 530 écoles de qualité, équiper nos hôpitaux qui sont des mouroirs ou trouver du matériel à notre armée qui n’en dispose pas pour combattre le terrorisme. Cette somme représente le double de ce qui a été utilisé pour les présidentielles de 2015 (30 milliards). On note qu’aussi bien au niveau individuel qu’au niveau de l’État, des efforts auraient pu être fait pour définir nos priorités.
Il est temps qu’une éducation par la communication soit livrée afin de préserver nos mœurs et notre or de la dilapidation par les réseaux sociaux. Une réglementation voire une restriction pourrait être la solution. On ne peut pas préserver la liberté au prix de la perte de nos valeurs et de nos capitaux. Mais en attendant de trouver la solution, des trois réseaux mobiles, lequel a fait un investissement important sur l’éducation de nos enfants ou sur la santé de nos populations ? J’aimerai savoir.
Jean Léonard BOUDA
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