Laurent Gbagbo : L’opposant, le président, le prisonnier … (Portrait)

Laurent Gbagbo est de retour en Côte d’Ivoire. Acquitté fin mars, par la Cour d’appel de la Cour pénale internationale (CPI), l’ancien président ivoirien a foulé jeudi après-midi, le sol ivoirien.
Agé de 76 ans, la vie de Laurent Gbagbo n’a jamais été un fleuve tranquille. C’est l’histoire de différentes phases de gloire et de déchéance : opposant, président, prisonnier… l’homme d’Etat malgré ces épreuves, a toujours trouvé les ressources pour sortir des situations et garder sa popularité parmi les siens.
Historien de formation, il a commencé sa carrière comme syndicaliste en émergeant comme principal opposant au “père de la Nation”, Félix Houphouët Boigny. cet activisme lui vaudra la prison, de mars 1971 à janvier 1973 pour «enseignement subversif ».
En 1982, Laurent Gbagbo fonde dans la clandestinité le Front Populaire Ivoirien (FPI), un parti de gauche, avant de s’exiler en France. Six ans plus tard, il revient au pays.
En 1990, Il se lance ouvertement en politique, à l’avènement du multipartisme pour lequel il s’est battu. Gbagbo se présente à sa première élection présidentielle contre le père de la nation. Le succès n’est pas au rendez-vous avec 18% des suffrages. Mais Laurent Gbagbo fait son entrée au Parlement, ce qui lui donne une tribune contre le pouvoir en place.
En 1992, suite à des manifestations de rue, il est à nouveau emprisonné pour trouble à l’ordre public. Condamné à deux ans de prison avec son épouse Simone, ils sont tous deux libérés au bout de six mois.

Le bras de fer avec Ouattara

En 2000, il se lance à nouveau dans la course à la présidentielle face au général Robert Guéï. Il remporte le scrutin avec 59,36 % des voix. Mais son mandat est marqué par une crise politico-militaire qui coupe le pays en deux. Il verra la main d’Alassane Ouattara derrière la rébellion. Face à la France et aux rebelles, Gbagbo s’appuie sur les “jeunes patriotes” conduits par Charles Blé Goudé, pour se maintenir dix ans au pouvoir, tout en repoussant le scrutin présidentiel six fois.
En octobre 2010, il se présente à l’élection présidentielle contre Alassane Ouattara, soutenu par Henri Konan Bedié. Ouattara est proclamé au 2nd tour président le 2 décembre, avec 54 % des voix, chiffres invalidés par le Conseil constitutionnel. Laurent Gbagbo refuse de quitter son poste et sera arrêté le 11 avril 2011 par les forces de son rival, après des affrontements qui ont fait plus de 3000 morts.

La case CPI
En novembre 2011, il est transféré à la Cour pénale internationale (CPI), pour y être jugé pour crimes contre l’humanité avec Charles Blé Goudé.
A La Haye, Laurent Gbagbo a, au cours des audiences, voulu faire éclater sa “vérité”. Pour lui, les Français étaient derrière le “complot” qui a conduit à son arrestation le 11 avril 2011 à Abidjan par les forces d’Alassane Ouattara soutenues par Paris.
Le 15 janvier 2019, Laurent Gbagbo est acquitté par la CPI de crimes contre l’humanité. Libéré sous conditions en février dans l’attente d’un éventuel procès en appel, il vit en Belgique. Le 31 mars 2021, la CPI confirme son acquittement.
Laurent Gbagbo regagne son pays alors qu’il avait été condamné à 20 ans de prison en 2018 pour le braquage de l’Agence nationale de la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest. Les victimes de la crise politique de 2010-2011 réclament toujours justice.

Au nom de la réconciliation
Pour les partisans de l’ancien président et les analystes, le retour de Gbagbo est celui d’un acteur politique majeur, un atout pour la décrispation du climat politique en Côte d’Ivoire.
« Il peut aider à poursuivre la réconciliation parce que les sentiments d’exclusion, d’injustice, de frustration, seront réduits. Mais à un moment donné, le Président Bédié ou le Président Ouattara (…) auront la possibilité de rencontrer le Président Gbagbo et de lui parler directement. Donc, la situation sera plus apaisée», commente le journaliste-analyste Alafé Wakili, dans un entretien.
Laurent Gbagbo « peut encore apporter beaucoup à cette Côte d’Ivoire qui d’abord a besoin de réconciliation, et de ses fils qui ont des idées et qui ont une certaine volonté politique », soutient, pour sa part, le député Hubert Oulaye, sur RFI.

Agence Anadolu