“La République centrafricaine n’est pas un pays faible, c’est un pays affaibli” (Mae centrafricain)

La Cheffe de la Diplomatie centrafricaine a accordé un entretien exclusif à l’Agence Anadolu en marge du Forum d’Antalya sur la Diplomatie, organisé du 11 au 13 mars dans le sud-est de la Turquie.

La République centrafricaine (RCA) a été le théâtre d’une guerre civile qui a duré près d’une décennie. Ce pays de l’Afrique centrale, “affaibli” selon la ministre, a besoin de partenaires qui regorgent d’énormes potentialités pour se reconstruire, a-t-elle fait savoir.

“La RCA regorge d’énormes potentialités, des secteurs forestiers, du bois. L’agriculture est un domaine très riche parce que c’est est un pays vaste, peu peuplé, totalement vierge et qui est à construire. Il y règne un climat très favorable pour des cultures différentes. Il y a également des produits à problèmes à l’instar du pétrole, uranium et autres, et aussi des ressources très recherchées, notamment le lithium, par exemple, le cobalt, le coton et le coltan. Il y a des priorités en termes d’énergie, d’infrastructures, de reconstruction des axes routiers et des infrastructures, mais aussi de l’éducation, de la santé”, a-t-elle dit.

Sylvie Baïpo-Temon a effectué, en janvier, une visite à Ankara à l’invitation de son homologue turc, Mevlut Cavusoglu. La visite a été couronnée par la signature d’un cadre juridique marquant l’engagement des deux pays à travailler ensemble. La première rencontre entre les deux ministres a eu lieu en juin 2021 à Rome, en Italie, à l’occasion de la réunion de la Coalition internationale anti-Daech. La ministre a indiqué que les rapports entre la Turquie et la RCA se sont considérablement développés depuis lors.

“La participation du Président de la République centrafricaine, Faustin Archange Touadéra, au Sommet du partenariat Turquie Afrique, a marqué également un autre élan parce qu’il a eu l’occasion de rencontrer son homologue turc, le Président Recep Tayyip Erdogan. Ils nous [ministres des Affaires étrangères] ont donné justement cette instruction de continuer à renforcer et à dynamiser la relation, la coopération bilatérale entre les deux pays et c’est ce que nous nous attelons à faire. La Turquie dispose d’une vraie expertise dans de nombreux domaines. J’ai eu l’occasion de découvrir le savoir-faire turc, du moins le confirmer lors de mes visites ici, mais aussi ailleurs et particulièrement en Afrique. Il y a de la qualité. Et lorsqu’on a un pays qui est en phase de reconstruction avec un gap énorme à combler, il ne faut pas tergiverser. Il faut aller là où il y a la compétence en termes de qualité, en termes de délais de mise en œuvre de certains projets”, a poursuivi Sylvie Baïpo-Temon.

La ministre a noté que son pays sort d’une période de crise sociale qui a profondément impacté le tissu social en termes de cohésion. Il affiche un nouveau visage et a entrepris de s’ouvrir au monde. Selon la responsable, le pays mérite d’être accompagné dans son élan de développement pour ne plus revivre ces crises.

“Il faut des entreprises en mesure d’offrir des emplois aux jeunes afin qu’ils comprennent qu’il y existe d’autres manières de gagner sa vie que de prendre les armes ou de se laisser manipuler, a-t-elle expliqué. Aussi, ils sont victimes de la manipulation de masse aussi très importante, ce qui crée aussi beaucoup de tensions politiques. Il faut développer un état d’esprit d’entrepreneuriat. La RCA a une population majoritairement jeune, qui est aussi amenée à découvrir le monde. C’est une richesse. Elle doit aussi apprendre à se former en découvrant le monde pour contribuer d’une meilleure manière au développement de son pays. C’est tout cela qui va créer une cohésion sociale. Donc, c’est pour dire aussi à cette population centrafricaine que c’est possible. Mais il faut le vouloir, il faut le vouloir fermement. Il ne faut plus se laisser faire. Il ne faut pas se contenter de peu, il faut aller chercher justement dans la stratégie de développement à chercher des bons partenaires et oser entreprendre. Il faut avoir l’ambition constructive, que chacun puisse avoir la chance de dire qu’il a apporté sa petite pierre à l’édifice.”

La résurgence des crises à travers le monde est une preuve de l’échec de la diplomatie qui, a précisé la Cheffe de la Diplomatie centrafricaine, mérite d’être repensée.

“Aujourd’hui, le monde va mal, il faut le reconnaître. L’Afrique va mal depuis un certain temps, mais nous voyons que l’Afrique n’a plus ce monopole de conflits. Il y en a un peu partout dans le monde et même les grandes puissances siégeant aux Nations unies, ceux qui siègent et qui ont justement cette responsabilité, ce devoir d’être garants de la paix dans le monde. Aujourd’hui, on s’interroge. Donc, il faut aussi peut-être repenser notre manière de gérer la diplomatie, parce qu’au fur à mesure et dans les quatre coins du monde, tout n’est que rapport de force alors que nous sommes dans des instances ou on parle de paix, de sécurité, alors ; à contrario, dans l’expression de chaque pays, dans les instances multilatérales ou même bilatérales, tout n’est que rapport de force. Et dès lors que le rapport de force atteint un niveau critique, ça explose.

Les pays, comme le nôtre, qui comptent sur ceux-là pour pouvoir nous appuyer dans notre quête de paix, à un moment on va se poser aussi la question de savoir s’il ne faudrait pas écouter les soit disant plus faibles. Finalement, il n’y a pas de pays faibles. La République centrafricaine, notamment, n’est pas un pays faible. Elle est un pays affaibli. C’est un pays qui a des potentiels et qui pourrait justement montrer aussi au monde qu’elle a d’énormes capacités.”

Sylvie Baïpo-Temon a félicité les efforts diplomatiques de la Turquie pour parvenir à la désescalade entre la Russie et l’Ukraine. Pour rappel, une rencontre entre les ministres des Affaires étrangères de la Russie et de l’Ukraine, Sergueï Lavrov et Dmytro Kuleba, a été organisée jeudi à Antalya, sous la médiation de la Turquie.

La deuxième édition du Forum d’Antalya sur la Diplomatie (ADF) s’est tenue du 11 au 13 mars sur le thème “Reconstruire la diplomatie”. L’événement a réuni des participants de 75 pays, dont 17 Chefs d’État et de gouvernement, 80 ministres, 39 représentants d’organisations internationales, et a été couvert par environ 600 journalistes.

Agence Anadolu