Kenya : Anadolu fait le point sur la secte qui a fait plus de 200 victimes

Dans les paisibles recoins du comté de Kilifi, une révélation surprenante a mis au jour le monde caché d’une secte pratiquant la mort par la faim.

L’Eglise Internationale de Bonne Nouvelle, mieux connue sous le nom de secte de Malindi, est apparue comme un cas troublant, mettant en lumière l’existence de groupes similaires opérant au Kenya.

Fondée en 2003 par Paul Nthenge Mackenzie et sa première épouse, la secte est accusée de manipuler et d’exploiter ses membres pour qu’ils se laissent mourir de faim, ce qui a entraîné la perte de plus de 200 vies.

Anadolu a plongé dans les arcanes de la secte et s’est entretenu avec d’anciens membres afin de recueillir les expériences de ceux qui ont réussi à échapper à son emprise.

Amina Saidi a donné des détails poignants sur les tactiques d’endoctrinement et de manipulation psychologique de l’Eglise Internationale de Bonne Nouvelle.

“Ils ont exploité nos vulnérabilités en nous offrant un sentiment d’appartenance et d’utilité. J’aime Jésus et je ferais n’importe quoi pour ma religion, le christianisme”, a-t-elle déclaré.

Et de poursuivre : “Je ferais n’importe quoi pour Jésus, c’est ainsi que beaucoup d’entre nous ont été embrigadés… mais peu à peu, ils nous ont privé de notre autonomie (…) Avec le recul, je regrette profondément mon implication dans la secte. Leur manipulation et le mal qu’ils ont causé aux individus et aux familles est une chose à laquelle je ne peux plus adhérer”.

** Jeûne extrême

Un autre membre, Hassan Juma, a déclaré que les méthodes de l’église poussaient les gens à des efforts physiques qui, avec le temps, s’avéraient néfastes.

“J’ai appris l’existence du culte de la faim par l’intermédiaire d’un ami qui prétendait avoir trouvé l’illumination et une voie menant directement à Jésus”, a-t-il déclaré.

Et d’ajouter : “L’église mettait l’accent sur la purification du corps et de l’esprit par le jeûne extrême et le sacrifice de soi. Ils prétendaient qu’en nous privant des nécessités matérielles, nous pouvions atteindre un niveau de conscience plus élevé et, en fin de compte, rencontrer Jésus, et c’est ce qui me correspondait”.

Cependant, au fil du temps, il a commencé à s’interroger sur les conséquences de cette pratique sur son bien-être physique et mental.

Le jeûne extrême et les privations ont commencé à susciter des inquiétudes.

“J’ai d’abord adhéré de tout cœur aux enseignements de l’Église et aux récompenses qu’elle promettait – la rencontre avec Jésus. Or, alors que l’attrait initial de la rencontre avec Jésus était séduisant, le tort qu’il causait à la santé des individus et à leurs relations est devenu évident”, a-t-il déclaré.

Sarah Amani, mère de famille et adepte dévouée, a sacrifié sa santé pour la secte de Malindi.

Malgré son apparence émaciée, elle s’occupait inlassablement de ses enfants, veillant à ce qu’ils aient le peu de nourriture disponible.

Son corps affaibli, ravagé par la privation de nourriture, elle a réussi à tenir avec détermination son rôle de mère et est restée fidèle aux croyances de la secte.

** Les plus désespérés et les plus vulnérables

Selon les experts en psychologie des sectes, les personnes les plus désespérées sont aussi les plus vulnérables aux méthodes de ces groupes.

“De nombreuses personnes sont embrigadées dans le monde des sectes, en particulier les gens désespérés”, a déclaré Lucy Njiru, psychologue et conférencière à l’université internationale Amref (AMIU).

Nijru a déclaré à Anadolu que ces personnes “sont souvent confrontées aux vicissitudes de la vie et sont susceptibles de faire face à des niveaux élevés de stress”.

“Elles peuvent dès lors sombrer dans la dépression, cherchant dans la religion réconfort et espoir. Malheureusement, en raison des tactiques de manipulation employées par certains gourous, leurs convictions religieuses profondes sont déformées, ce qui les fait sombrer encore plus profondément dans les filets de la secte”, a-t-elle ajouté.

Et d’expliquer :”Les sectes ont tendance à cibler les personnes vulnérables qui cherchent désespérément un moyen de sortir de leur situation difficile. Elles exploitent leurs vulnérabilités émotionnelles en leur offrant un sentiment d’utilité et d’appartenance. Ces personnes sont souvent à la recherche d’un mécanisme d’adaptation à leurs difficultés, et la secte leur offre ce qui semble être une communauté de soutien et la promesse de surmonter leurs épreuves”.

Njiru a également souligné la puissance des techniques de lavage de cerveau utilisées par les sectes, précisant que ces tactiques étaient employées par les gourous pour “manipuler les croyances et les comportements de leurs adeptes”.

“Ces techniques rendent extrêmement difficile toute réflexion critique ou toute remise en question des enseignements de la secte. Le sentiment d’appartenance et celui du consentement au sein de la secte sont profondément ancrés, ce qui crée des barrières importantes pour les individus”, a ajouté la psychologue.

** L’éducation est essentielle

Soulignant l’importance que revêtent la sensibilisation et l’éducation en matière de dynamique sectaire, Lucy Njiru a déclaré qu’il était également crucial d’apporter un soutien aux personnes à risque.

“En informant les gens sur les signes avant-coureurs de l’implication dans une secte et en encourageant l’esprit critique, nous pouvons leur apprendre à faire des choix éclairés et à se protéger contre la manipulation”, a-t-elle déclaré.

Or, une fois qu’une personne s’est libérée, le chemin de la guérison peut s’avérer long et semé d’embûches.

Selon Nijru, ces personnes peuvent avoir besoin d’une prise en charge comprenant une thérapie, des groupes de soutien et un travail de reconstruction de leur estime de soi.

En comprenant les complexités psychologiques en jeu, Njiru pense que des progrès peuvent être réalisés dans la lutte contre la menace des sectes dangereuses, et empêcher les individus de tomber sous leur emprise.

La lutte contre l’influence des sectes au Kenya commence par l’éducation, la sensibilisation et le soutien à ceux qui se sont retrouvés sous leur emprise, a-t-elle conclu.

*Traduit de l’Anglais par Mourad Belhaj

Agence Anadolu