[ Interview ] Ismo VITALO : miracles en prison, musique et mariage

De son vrai nom Ismaël YODA, Ismo est un artiste reggaeman burkinabè. Autrefois membre du groupe VITALO composé de deux personnes, aujourd’hui, il évolue en solo, et continue d’émerveiller ses fans. Il a même fêté ses 20 ans de carrière musicale en février dernier. L’artiste a été reçu dans les locaux de ACTUALITE.BF. Ismo VITALO, comme il se surnomme désormais, a répondu sans détours aux questions qui lui ont été soumises.

ACTUALITE.BF : Comment se porte ta carrière musicale, Ismo?

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Ismo : Oh, elle se porte très bien, Dieu merci! Ismo est dans tous les festivals. Il est sollicité de gauche à droite. Récemment, j’étais en tournée à Koupéla. Donc, tout va bien. Je rends grâce à Dieu et je remercie mes fans.

ACTUALITE.BF : On remarque qu’il y a de nouveaux genres musicaux adulés par les mélomanes. Quel est l’avenir du Reggae burkinabè, selon toi ?

Ismo : Le Reggae aura toujours sa place. C’est une musique qui ne démode pas, et qui ne meurt pas. C’est vrai qu’il y a des moments où on n’est pas trop en vogue comme les musiques urbaines, mais le Reggae aura toujours sa place parce qu’il a toujours ses fans qui existent dans le monde entier, y compris au Burkina. Et moi, à la longue, j’aimerais qu’on ait l’occasion de pouvoir se produire en live. Le Reggae, c’est aussi ça. La plupart des cérémonies se font en playback. C’est rare qu’on invite les reggaemans. Il faut être un « Dangoro » (combattant) comme moi, pour qu’on t’invite. Nous, on est polyvalent. On fait du reggae, c’est vrai. Mais, on est comme les racines du manioc. Partout où on nous jette, même sur du gravier, on pousse. Que ce soit dans le Raggae, dans le Zouglou ou dans le Coupé-décalé, on sort vainqueur. C’est un don.

ACTUALITE.BF : La musique burkinabè n’a pas encore pris une envergure mondiale. Selon toi, elle rencontre quel problème ?

Ismo : Ce n’est pas un problème du Burkina Faso; c’est un problème de management. Parce que le Burkina Faso est tranquille. Depuis l’année 2000 jusqu’aujourd’hui, il y a eu beaucoup d’évolution. Il faut dire merci à Dieu. Maintenant, il faut promouvoir l’art à l’extérieur. Ça, ça relève du management. Il faut avoir toujours de l’arsenal pour pouvoir se propulser. Aujourd’hui au Burkina, il y a plus d’évènements culturels qu’en Côte d’Ivoire. De janvier à maintenant, il y a eu combien d’évènements? Ça pousse comme des champignons, et c’est à encourager. Souvent, sans les soutiens et les partenaires, on ne peut pas aller quelque part. Ça va venir un jour. Sinon, côté promotion de la culture, le Burkina est à féliciter.

ACTUALITE.BF : Ta vocation musicale a germé en prison. Explique-nous comment tout cela est arrivé!

Ismo : En Côte d’Ivoire, j’étais chauffeur de car dans une société de transport durant quatre années. Un jour, en transportant des passagers, j’ai fait un accident entre Yamoussokro et Toumodi. Le bilan était de 14 morts. Paix à leurs âmes! Cela m’a conduit en prison où j’ai fait 4 ans et 6 mois. C’est en prison que nous, les trois membres initiaux du groupe Vitalo, nous-nous sommes rencontrés. C’est moi qui étais le lead vocal. Et chaque jour que Dieu faisait, je jouais avec un bidon et une boîte de tomate. Je chantais trois morceaux à 25 FCFA pour les prisonniers. Ces derniers m’invitaient de gauche à droite. J’étais devenu presque la star de la prison. C’est dans ces conditions que nous avons fait la connaissance de notre producteur. C’était un Guinéen du nom de Ousmane. Lui il était en prison pour usage de faux. Ousmane et d’autres avaient détourné 200 voitures de Henri Konan BEDIE, à l’époque président de la Côte d’Ivoire. C’est ainsi que nous sommes entrés en contact avec lui. Quand nous avons été libérés, nous l’avons appellé. Suite à quoi il nous a reçus chez lui à Abobo avec le groupe Galilée. C’est ce groupe de chanteurs qui nous a d’ailleurs conduits en studio. En son temps, nous ne connaissions rien.

Ce qu’il faut retenir, c’est que tout est parti de la prison. C’est là-bas que nous-nous sommes connus, moi et mes deux amis, Henri Die et Abass. Chemin faisant, Henri a quitté le groupe, et j’ai continué avec Abass.

ACTUALITE.BF : Tu t’es marié le 10 avril dernier en province. Heureux menage! Comment la cérémonie s’est déroulée?

Ismo : Mon mariage s’est bien passé. Il a eu lieu dans le village de mon épouse, situé à 30 km de Tenkodogo. Quand Madame était enceinte, nous avions fait les présentations de familles. Elle a mis au monde un garçon qui a sept mois maintenant. Comme on était à l’approche du Ramadan, étant musulman pratiquant, il fallait que je me conforme aux normes de l’Islam. Alors, je suis allé faire le PPS (fiançailles) en même temps que le Fouri (mariage religieux), pour être dans légalité de l’Islam. D’ici le mois de Décembre, si tout va bien, je vais faire le mariage civil à Ouagadougou, et il y aura beaucoup de boucans (spectacles) avec mes amis, mes frères, mes collègues, les journalistes et les animateurs. Mais, pour le moment, le plus important était de respecter les règles de l’Islam. Dieu merci, tout s’est bien passé.

ACTUALITE.BF : Quelles sont les difficultés qui ont valu le départ de ton collègue Abass ?

Ismo : Difficultés avec Abass, c’est trop dire. Quand vous travaillez ensemble, c’est que vous-vous retrouvez dans le même esprit, vous avez le même objectif, et vous voulez atteindre le sommet ensemble. Du moment où l’autre ne s’engage plus, où il n’est plus motivé, finalement tu te demandes qui travaille et qui mange. Sinon, mon frère et moi, depuis la prison, nous avons toujours travaillé ensemble. Maintenant, arrivé à un certain moment, lui, il n’était plus “dans le coup”, il n’avait plus le temps. Il avait une femme qui l’aimait bien. C’était une tantie qui le suivait, qui faisait tout avec lui. Donc, quand il y avait des spectacles, des répétitions, il ne venait pas. C’était bizarre. Alors, on en a discuté. J’ai compris qu’il avait d’autres objectifs, et qu’il voulait passer par la musique pour les atteindre. C’est ainsi que le groupe s’est disloqué, et que j’ai commencé à faire ma carrière solo.

Malheureusement, lui et la femme se sont quittés. Ça n’allait pas chez lui (…) Après, je lui ai tendu la main. C’est suite à cela qu’on a fait sortir l’album « Peuple silencieux », où on a chanté pour le départ de Blaise COMPAORE. C’était un featuring avec Smarty et Smockey. Apres cela, Abass est retourné à Abidjan. Nous sommes toujours en contact. Il devait être présent au concert de mes 20 ans de carrière au CENASA. Seulement, il a eu un petit contretemps.

Clip du titre “Neda” chanté par le groupe Vitalo

ACTUALITE.BF : Quels sont tes projets à présent?

Les projets, j’en ai beaucoup. Mais ce qui me tient le plus à coeur, c’est d’effectuer une tournée nationale, pour dire merci à tous mes fans, merci à tous ceux qui m’ont soutenu et qui ont aimé ma musique durant toutes ces années. C’est mon plus grand souhait. Et, inch’Allah, ça va se réaliser.

ACTUALITE.BF : Quelles relations entretiens-tu avec les autres artistes?

Ismo: C’est “zoo” (cool) avec les autres artistes. Je n’ai de problèmes avec personne. Il n’y a pas de discrimination. Que tu fasses le Reggae ou un autre genre musical, même la nouvelle génération, on est toujours en communion. Parce que c’est la famille. Il faut se soutenir. Nous sommes des “vieux pères” (aînés), et quand on voit les enfants qui brillent aujourd’hui, on ne peut que les soutenir. Il n’y a pas lieu d’éprouver de la jalousie envers eux.

ACTUALITE.BF : Justement, pour terminer, aurais-tu des conseils à donner à la jeunesse?

Ismo : J’aimerais dire à mes jeunes frères qui veulent suivre nos pas, qui nous aiment bien, qu’il faut aller à l’école. Ça, c’est la première des choses, et c’est très important. Après l’école, ils peuvent faire la musique s’ils en ont la passion. Même en plus de la musique, ils peuvent faire autre chose. Ils pourront s’exprimer aisément, écrire leurs textes, les composer et les corriger.

De deux, ceux qui pensent que pour être Rastaman, un artiste ou une star, il faut forcément passer par les médicaments, ils doivent se raviser. Seul le talent et le travail peuvent les faire avancer. Donc, je conseille à mes jeunes frère de travailler dur, de mettre du sérieux dans tout ce qu’ils font.

Interview réalisée par Souleymane ZOETGNANDE