Les faits sont assez symboliques de l’esprit de vengeance et de revanche qui habite les acteurs politiques et la société civile burkinabè. Une guerre de chiffonniers, pour des haillons d’une mère-nation qui agonise. Pendant ce temps, les terroristes avancent à grands pas sur Ouagadougou. L’illusion d’une forteresse-capitale imprenable commence à se dissiper, mais dans le doux et profond sommeil d’un peuple citadin résigné. Hypocrite et égoïste surtout !
Léonce Koné, cacique de l’ancien régime de Blaise Compaoré, a déposé une plainte contre des insurgés qui ont brulé l’Assemblée nationale du Burkina Faso il y a huit ans. Deux personnes sont nommément citées : il s’agit d’abord de Bala Alassane Sakandé, ancien Président de l’Assemblée nationale, qui a réclamé la paternité de événements insurrectionnels pour le compte du parti qu’il dirige désormais, le Mouvement du Peuple pour le Progrès (MPP).
Le deuxième concerné est Dr Pargui Emile Paré dit le Chat Noir du Nayala, qui a fièrement reconnu être le premier à déposer ses « griffes » dans l’enceinte de l’hémicycle tombé entre les mains des manifestants, en octobre 2014. Même si le juge a classé sans suite le dossier, la tâche demeure.
C’est surtout le cycle du renard qui passe entre ceux qui ont détruit jouissivement des biens publics et privés en 2014, qui ont profité du sacrifice des martyrs pour accéder aux affaires et poursuivre le pillage, et ceux qui pensent être revenus pour se venger de ces derniers en faisant revivre leur slogan : « Si tu fais, on te fait et puis il n’y aura rien ! »
Dans ce registre, le Front Patriotique se dresse contre une éventuelle restauration de l’ordre ancien, dont il reproche au Mouvement Patriotique pour la Sauvegarde et la Restauration (MPSR). Le régime en place aussi prête le flanc et confirme toutes ces accusations de connivence avec les proches de Blaise Compaoré.
A l’Assemblée générale constitutive du Front Patriotique, un député et sa horde de loubards ont tenté un sabotage par la force des muscles. Ce même groupe a perturbé une conférence de presse du M 30 Naaba Wobgo, et récemment, une manifestation du Balai Citoyen contre l’arrestation d’un des siens. Un militant Cibal qui a eu un langage ordurier et d’une rare violence contre le Président de la Transition.
Les fronts se multiplient et les coups de poings pleuvent à Ouagadougou. Les OSC montent en puissance et démontrent leur “patriotisme”, mais seulement dans la capitale burkinabè où l’on a encore le temps de se boxer pour le MPSR ou le MPP, pour le Réal ou le Barça, pour des billets de 2000 Francs promis pour participer à un meeting.
Pendant ce temps, les terroristes passent à une vitesse supérieure dans leur projet de conquête du territoire burkinabè. Des attaques à répétitions aux harcèlements, des prêches aux dynamitages d’infrastructures publiques, de la mise en étau de principales villes aux ultimatums lancés ça et là, ces assaillants ne manquent pas d’ingéniosité. Le dernier symbole, c’est la prise de Solenzo, sans coup férir.
Si nous continuons à leur laisser libre roue, il est clair qu’ils récupèreront l’Etat entier à la manière des Talibans, et créeront une sorte de « Burkinistan ».
L’on remarque d’ailleurs que ces hommes sans foi ni loi essayent de conquérir les cœurs des populations locales, par des dialogues, des œuvres de charité, des alliances de circonstances, des autorisations exceptionnelles de cultiver, …
Si cette série d’actions produit des résultats, ce sera l’un des pires revers pour l’Etat burkinabè en ce septennat de guerre anti-djihadiste.
Lors de la rencontre avec les anciens chefs d’Etat, le Président du Faso, Paul Henri Sandaogo Damiba, avait informé que 55 pourcent du territoire national échappait au contrôle de l’Etat central. Une donne qui doit interpeller sur l’urgence de s’unir en tant que nation, sur la nécessité de laisser tomber la politique, en sursis, et d’unir nos forces pour vaincre le terrorisme.
Le chef de l’Etat, lors de son discours du 04 septembre 2022, a encore appelé de toutes ses trippes à l’unité des Burkinabè.
Malheureusement, aucune parole ne peut encore, à elle seule, unir les Burkinabè. Aux paroles, il faut joindre une batterie d’actions.
Car, nous le disons à maintes reprises, l’unité nationale tant prônée n’est pas un vain mot, mais un comportement dont l’impulsion doit être donnée par le chef de l’Etat himself, garant constitutionnel de cette unité. Mais que constate-t-on ? Des limogeages avec effets immédiats, un plan de remplacement systématique des cadres occupant des fonctions de directions dans l’Administration publique. Ce, à un moment où le projet de loi sur la dépolitisation de l’Administration est sur la table du législateur.
L’union des filles et fils du Burkina doit passer par une réconciliation sincère et inclusive, qui part de la base au sommet, et qui s’appuie sur la vérité et la justice. Elle doit aussi passer par des actes politiques hautement importants comme le gouvernement d’union nationale, l’Etat de siège, la diminution sensible du train de vie de l’Etat, une révision substantielle du statut du Volontaire pour la Défense de la Patrie, la popularisation de la guerre contre le terrorisme, l’instauration de l’effort de guerre obligatoire, une législation sur la solidarité nationale à l’endroit des personnes déplacées internes, …
Si nous échouons à jouer les quelques bonnes cartes qui nous restent en main, il faudra se convaincre que nous allons sombrer. Puis, par la poussée d’Archimède, de nouveaux Burkinabè plus conscients émergeront.
La Rédaction
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