Incivisme d’Etat : de la nécessité pour l’Administration de respecter les décisions de justice

Photo: Reuters. La Cour de justice burkinabè, à Ouagadougou, Burkina Faso, le 17 avril 2015

A travers une déclaration rendue publique ce 20 mars, la Coordination provinciale de la F-SYNTER du Sanguié s’insurgeait contre le refus du proviseur du lycée provincial de Réo d’exécuter une décision de justice. En effet, l’élève  en classe de Terminale A,  T. Roger BAYALA, avait été exclu pour absence prolongée. Il a attaqué cette décision de son établissement en justice, et les juges lui ont donné raison en intimant l’ordre au lycée de le réintégrer immédiatement  et de lui payer une amende de 750.000 Francs. C’est cette décision que les autorités de l’école refusent d’appliquer. Ce fait, qui parait anecdotique, est pourtant symbolique du malaise que connait notre Justice du fait premier de l’Etat.

On se rappelle en effet que la Justice avait ordonné la réintégration des 16 policiers membres de l’Alliance Police Nationale (APN) et que l’Etat a refusé, jusque-là, de respecter la décision.

Cette réalité est comme une vieille maladie de notre Etat traîne depuis les indépendances, même si elle a pris de l’ampleur ces dernières années. Dans une interview accordée à nos confrères de Libre Info et parue ce lundi, Me Halidou OUEDRAOGO déclarait au sujet des torts qu’il a subis : «J’ai saisi la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples qui a traité mon dossier pendant 20 ans. Je l’ai saisi à Banjul, en Gambie. La décision a été donnée à Kigali(Rwanda). Et c’est une décision de justice. Pour moi, c’est clair ! Je demande qu’on applique la décision de justice de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples.»

L’Etat ne peut pas continuellement dénoncer l’incivisme des citoyens, quand lui-même est le premier à refuser d’exécuter les décisions de justice. L’incivisme d’Etat peut être caricaturé comme un serpent qui se mord la queue.

La naissance et la montée en puissance de phénomènes sociaux comme les groupes d’autodéfense, interpellent sur la mue que notre Etat doit opérer. Une mue pour s’adapter aux réalités socio-culturelles  des citoyens, une mue pour regagner en crédibilité aux yeux des citoyens.

L’opinion publique a longtemps décoché des flèches sur Dame Justice, l’accusant de tous les péchés d’Israël. Si ces attaques sont en partie justifiées, il convient de noter toutefois que depuis un certain temps, la Justice a fait son autocritique et tente d’améliorer sa prestation. Le déclic semblait en tout cas partir du Forum national de la Justice tenu sous la Transition. Mais comment la Justice ferait-elle nettement mieux si l’Etat, garant de la force publique  et fondement même de l’existence de la Justice, refuse de se plier à la loi ? 

Les blocages dans l’Administration sont l’œuvre d’un système construit et bien huilé, dont le démantèlement nécessite un courage politique exceptionnel, et des réformes osées. Mais pour la survie même de l’Etat sous sa forme actuelle, il faut que les choses changent !

La Rédaction