FESPACO 2023 : “Il faut quitter les amalgames franchement abjects.” (R. Zinaba)

Ceci est une tribune libre de Rasmane Zinaba, sur la polémique née de l’attribution de l’Etalon d’or de Yennenga 2023 au Tunisien Youssef Chebbi.

Depuis que l’Etalon d’or de Yennenga a été décerné au réalisateur Youssef Chebbi pour Ashkal ce soir (04 mars NDLR) dans la cuvette du Palais des sports de Ouaga 2000, je lis des posts de gens que je considère comme sérieux, mais qui font des amalgames complètement suicidaires au point d’être répugnants à la limite. C’est difficile, mais ce goumin mal digéré risque de nous bouffer tous si l’on n’y prend garde. Que parce que “la Tunisie n’est plus en Afrique”, que parce que la Tunisie traite mal les Africains, il faut la déclasser et remettre le prix à Appoline TRAORÉ. Pensez-vous vraiment qu’on est dans l’ordre des analyses puériles et des incantations ?

Oui, on a soutenu SIRA (film d’Appoline Traoré, NDLR), même sans avoir vu le film. Nous l’avons soutenu par espoir, par désir de voir l’Etalon d’or nous revenir, mais aussi, pour créer une certaine émulation autour du FESPACO, qui est d’abord un festival de film qui se tient chez nous, et qui nous rend tous fiers en ces temps tumultueux.

Mais à suivre les professionnels du milieu, et ce soir encore la présidente du jury, le film qui a gagné est de haut vol, d’une qualité supérieure dans le lot des 15 films en compétition pour le Graal. C’est une technique cinématographique qui a convaincu plus d’un, pour ne pas dire tous les spécialistes du domaine, et qui a gagné. Que dire de plus ?
Vraiment, qui sommes-nous, quidams, patriotes d’une autre dimension, pour refuser la qualité supérieure à Youssef Chebbi? Est il responsable de ce qui se passe en Tunisie (J’en conviens, un crime qu’il faut dénoncer et je l’ai déjà fait )?

Il faut souvent élever le niveau de nos analyses pour éviter de faire des amalgames qu’on reproche aux autres.

J’ai soutenu Sira par rapport à tout l’espoir qu’il suscitait, mais les spécialistes ont décidé autrement. Celui qui a gagné a même fait l’unanimité ; il n’y a même pas eu besoin de vote, selon la présidente du jury. Pour dire que c’est du haut niveau. Qu’il soit Egyptien, Éthiopien, Kenyan ou Tunisien, c’est la qualité de son travail qui a été primé, pas sa nationalité. Il faut vraiment se convaincre de ça.

Nous avons nos bagarres réelles vis-à-vis de tous les inhumains, des criminels du monde, des racistes et autres, et qu’ils soient Tunisiens ou Libyens, Sud-Africains, il faut les combattre. Mais dans la même lancée, nous ne pouvons pas déprécier un prix hautement mérité descerné à un réalisateur sous le fallacieux prétexte ou la base de sa nationalité et de ce qui se passe dans son pays.

Même si c’était un festival mondial qui se tenait à Ouagadougou, et que le vainqueur devrait être français (malgré notre bagarre avec la France), dans la situation actuelle, on lui donnerait sa victoire pour la qualité de son travail. Si on a un goumin mal digéré, allons le noyer ailleurs!

Félicitations, Youssef Chebbi! C’est du grand art.

Félicitations, Appoline Traoré! C’est un encouragement et une reconnaissance.

Encore au travail pour revenir plus fort en 2025, en 2027, avec plus de moyens, plus de qualité, de la qualité encore, et pour cette fois, gagner par la qualité et non la nationalité comme certains le souhaitent.

Rasmane Zinaba