Elections et bonne gouvernance: les chants du cygne sont des signes

Ceci est une tribune d’Abdoulaye DIANDA sur les dernières élections couplées présidentielle et législatives au Burkina Faso.

Au sortir des élections couplées du 22 novembre 2020, chacun est allé de sa lecture et de son analyse pour commenter les résultats des vainqueurs et des perdants. Si l’on se positionne dans le clivage politique, on ne verrait que la majorité et l’opposition.
Ce qu’on n’oublie très souvent d’entrevoir, c’est qu’à l’intérieur de ce schéma classique, il y’a des vainqueurs et des perdants. Et c’est là que les stratégies électorales prennent toutes leurs places. Dans tous les camps, des élus tout comme des non élus ont créé l’étonnement, non seulement dans leurs circonscriptions électorales mais aussi au plan national. Il n’est pas utile de citer des noms, il suffit simplement de constater le fort taux avec lequel l’assemblée nationale a été renouvelée d’hommes et de femmes nouveaux.
Au niveau de la présidentielle, le classement des 12 autres candidats (en dehors du vainqueur) a donné lieu à toutes les explicitations, en fonction du poids des candidats sur l’échiquier politique d’avant les élections et des moyens financiers, matériels et organisationnels engagés dans cette bataille électorale.
Les trois candidats qui faisaient la course en tête à partir du nombre de meetings et de la mobilisation n’ont pas été payés de la même manière. Même le concept de fief électoral a été remis en cause pour certains au regard des statistiques sorties des urnes.

Toutefois, s’il y’a un élément sur lequel, tous ont été unanimes sur son impact sur l’issue des dernières joutes électorales, c’est bien la place des « espèces sonnantes et trébuchantes », les fameuses feuilles. L’argent a inondé tous les circuits politiques et politiciens durant la campagne électorale, allant jusqu’à expliquer les succès ou les défaites de certains acteurs. « Je pense que le score que j’ai eu est bon, au regard de ces réalités. Aussi sur le terrain, je ne donnais pas un franc à quelqu’un. Si vous voulez, vous votez pour moi. Dans le cas contraire, vous ne portez pas votre choix sur ma personne », lâche Claude Aimé Tassembedo dans Le Pays N°7238 du 05 janvier 2021.
L’un dans l’autre, le message semble clair : Désormais, il va falloir compter avec l’argent dans le choix des hommes qui gèreront notre destin commun. Et c’est là que le bat blesse. A partir de ce constat, on est parti pour ne plus être dans la démocratie mais simplement dans la ploutocratie, ce système politique qui vénère l’argent en lieu et place de toute autre considération, avec toutes les inégalités possibles.

Certes, les faits ne sont pas nouveaux, un minimum de charges revenant aux candidats ou à leurs partis pour la mobilisation de l’électorat. Mais le phénomène enclenché récemment fait craindre une explosion sociale, sinon de notre système de dévolution du pouvoir. A ce titre, voilà ce que dit l’un des acteurs politiques majeurs de notre pays des 30 dernières années : « Si on ne redéfinit pas les règles du jeu, de manière à ce que l’argent joue un rôle moins déterminant, on va tout droit dans le mur », Melegué Traoré, ancien ambassadeur, Président du Haut conseil du CDP, in Le Pays N°7235 du mardi 29 décembre 2020.
Pour sa part, le jeune mais non moins talentueux politique, analysant les soubresauts des dernières élections, tire sur la sonnette d’alarme : « Il faut éviter la monétarisation de notre démocratie », Alexandre Sankara du PUR, in L’Observateur paalga, N°10 236 du 02 décembre 2020.
Mais avant même ces élections, le chantre du sankarisme politique au Burkina Faso avait mis en garde ses militants contre ces pratiques fondées sur le Dieu argent : « Ni argent, ni voitures, motos, et autres achats de conscience ne pourront détourner les burkinabè de leur trajectoire d’une quête, d’une société plus vertueuse. Toute stratégie électorale qui méconnait cela n’est que machiavélique et vouée à l’échec », Bénéwendé Stanislas Sankara, Président de l’UNIR/PS à la clôture du congrès extraordinaire de son parti le 31 mai 2020.

Faudrait-il alors entrevoir un début de réflexion profonde sur la place des finances dans notre système politique? Il y’a certes un pas qu’il ne faut pas vite franchir mais comme le chant vient des politiques eux-mêmes, il faut espérer des signaux conséquents. La rupture tant attendue pour ennoblir la chose politique peut aussi venir de là, comme quoi le début d’une remédiation nationale est forcément la prise de conscience collective.

Il est vraiment temps que l’élection ne soit pas seulement perçue comme un simple artifice de la démocratie ou encore comme une légitimation d’un pouvoir sans attache aux aspirations populaires mais comme surtout un processus de renouvellement de la classe politique et de ses dirigeants par un choix éclairé du plus grand nombre.
Pour ce faire, un recadrage éthique et législatif s’impose.
Bien entendu, bien d’autres leviers attendent d’être activés pour ce faire, mais ce n’est pas mauvais de commencer par celui qui se présente comme un cancer électoral à la prédation sociale avancée.

Abdoulaye Dianda