[EDITO] Terrorisme au Burkina : les exécutions sommaires sont les pires solutions qui soient

« On ne peut pas faire des omelettes sans casser des œufs », commentait un internaute sur la publication d’un confrère dénonçant des exécutions extrajudiciaires. « Si tu étais de la famille des œufs, tu aurais tenu un langage différent », lui a retorqué brillamment un autre internaute. Au Burkina Faso, il y a une réelle crise entre les ethnies. Tous le savent. Nous sommes au bord du précipice. Mais gare à celui qui ose en parler. On le traitera d’ennemi public qui veut attiser le feu. Ces derniers jours, les appels à s’en prendre à la communauté peule sont légions. Et cela est loin d’être la solution, et les différents acteurs n’agissent pas suffisamment pour prévenir le chaos.

Une certaine opinion réduit les droits humains à la caricature d’une impunité pour les tueurs, les voleurs et les violeurs. Et pourtant ! A un fonctionnaire qui s’obstinait à dénigrer les ONG de défense des droits humains, un juriste a expliqué que le fait qu’il soit en vie, qu’il ait pu se soigner, s’éduquer, avoir un emploi, être rémunéré, avoir des biens et être libre, sont le fait que ses droits humains étaient respectés.
Mais l’un des problèmes majeurs du Burkina, c’est le fait que certains croient qu’ils ont plus de droit à la vie que d’autres, qu’ils sont plus patriotes que d’autres. Si fait qu’on dénie à une partie du peuple, le droit d’être victime, le droit de se plaindre. Or, notre histoire est pavée d’injustices, d’oublis, de marginalisation dont sont victimes des régions et des communautés.
L’autre problème majeur, c’est le fait que les leaders d’opinion des ethnies mis en cause dans le terrorisme, n’osent pas sensibiliser ouvertement leurs communautés, se démarquer clairement, et affirmer leur attachement à la Nation.

Une structure comme le Collectif contre la Stigmatisation des Communautés (CISC) mène une lutte très noble dans le fond, mais commet des erreurs dans sa communication. Une ONG ne devrait pas limiter ses sorties médiatiques aux accusations d’exactions à l’encontre de l’Armée. Il y a plein d’autres initiatives qu’elle peut développer pour accomplir sa mission.

Sur l’objet principal de notre édito, disons clairement que les exécutions sommaires, si elles étaient la solution, devraient faire leurs preuves depuis Yirgou, Kain, et ailleurs.
Nous ne gagnerons jamais le combat contre le terrorisme, en agrandissant de manière indéfinie les rangs des assaillants.

Si les exécutions sommaires se poursuivent sous des applaudissements d’aveugles et de génocidaires en devenir, elles atteindront tous les compartiments de la société, y compris l’Armée. En ce moment-là, les terroristes n’auront plus besoin de combattre ; ils nous regarderont nous entretuer comme des bêtes sauvages.

Pour une fois, les leaders coutumiers et communautaires, les religieux et les politiques de tous les bords doivent pouvoir crever l’abcès de la crise ethnique, en débattre et trouver des solutions.

Il n’y a pas d’un côté des coupables tous faits et de l’autre, des victimes innocentes. Nous sommes à la fois coupables et victimes, selon les contextes et les angles de vues.

Asseyons-nous donc et discutons franchement.
Reconnaissons et connaissons l’ennemi, puis livrons-lui une bataille sans pitié, dans l’unité !
Si nous échouons à cette tâche, nous aurons perdu le Burkina. Et nos héritiers ne vont point nous le pardonner.

La Rédaction