[EDITO] Marche de l’Opposition : le signal est fort, mais la méthode est limitée

L’Opposition politique burkinabè, sous la houlette de son chef de file Eddie KOMBOIGO, a fait son baptême de feu les 03 et 04 juillet 2021. Si à Ouagadougou, à Bobo-Dioulasso, à Ouahigouya et à Kaya, la marche a drainé du monde, à Dédougou, à Manga et à Zorgho, les marcheurs se comptaient du bout des doigts. Dans d’autres provinces, la guerre de la rue n’a pas eu lieu. Le signal donné est fort. Mais la méthode de lutte, elle, est limitée.
 
Quel que soit le nombre de Burkinabè mécontents qui prennent la rue, il faut toujours s’en inquiéter. De ce point de vue, en ayant eu l’audace et l’initiative d’appeler les Burkinabè des quarante-cinq provinces à manifester pacifiquement, l’Opposition politique a joué pleinement son rôle. La marche a eu lieu. Elle s’est passée sans heurts, et globalement dans un esprit républicain. C’est tout à l’honneur de Eddie KOMBOIGO et de l’Opposition à lui affiliée.


Le Chef de file de l’Opposition a, en effet, réussi à transmettre un message de fermeté à la majorité gouvernante. En démocratie, c’est chose normale.
Toutefois, la méthode de lutte adoptée par l’Opposition comporte plusieurs handicaps. D’abord, on n’appelle pas toutes les provinces à sortir, pour une première manifestation. En voulant surfer sur la vague d’indignation née de l’onde de choc de Solhan, KOMBOIGO et sa suite se sont précipités pour appeler à marcher dans un délai d’une semaine, l’ensemble du pays. Ce, sans au préalable mesurer leurs forces à Ouagadougou, l’épicentre des mouvements sociopolitiques. C’est connu du monde syndical : la grève générale est l’une des dernières étapes de lutte.

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Pour mémoire, en 2013, Zéphirin DIABRE et les autres opposants d’alors avaient démarré par un simple meeting contre le Sénat, puis des marches circonscrites à Ouagadougou et à Bobo-Dioulasso, avant de conquérir les autres provinces.


L’autre insuffisance de la méthode du CFOP actuel, c’est de transformer une lutte supposée être populaire, en une revendication partisane. Il s’agit par exemple du fait d’ériger Gilbert DIENDERE en libérateur et en homme de la situation, alors même que des blessures du Putsch manqué dont il est coupable sont toujours béantes. L’Opposition aurait voulu rendre sa lutte sectaire qu’elle ne s’y prendrait pas autrement.


Par ailleurs, la suspension brusque de la participation de l’Opposition au Dialogue politique est comme une incohérence aux yeux d’une certaine opinion. En effet, les partis composant cette opposition ont posé assez tôt le problème de réconciliation nationale, ainsi que la nécessité d’un dialogue politique après le scrutin de Novembre 2020.  Claquer la porte de ce même dialogue, sans au préalable formuler des propositions (quitte à ce qu’elles soient rejetées) ou poser des revendications claires et réalistes (ce qui n’a pas été fait), peut être difficilement compréhensible.


Concernant la Réconciliation nationale, le malaise sera d’autant plus grand pour l’Opposition, que ses membres sont pleinement impliqués dans le processus. Comment participer à une conférence ou animer un panel sur la Réconciliation un jour, et battre le pavé juste le lendemain ?


Enfin, plusieurs organisations de la société civile dite historique, de même que les organisations syndicales, n’ont pas répondu à l’appel de l’Opposition à manifester. Même au sein de l’Opposition politique, tous ne parlent pas le même langage.


Or, quand les forces sont dispersées et les voix discordantes, la crédibilité des acteurs de lutte s’effrite. Encore si l’histoire récente a écorché cette crédibilité, d’une manière ou d’une autre.


Pour l’essentiel, la sortie de l’Opposition aura eu un impact sur la manière désastreuse dont la crise sécuritaire est gérée. Un impact forcément positif. Mais sur le plan de l’organisation de la lutte, la précipitation, l’incohérence et l’improvisation jettent le doute sur la suite des actions à mener. Quand il y a de la méthode dans une lutte, la pression monte. En l’absence de méthode, la pression baisse. Et, pour l’instant, l’on est dans le deuxième cas de figure.
 
 
La Rédaction