[ EDITO ] Le paradoxe des chats, le mal premier de la société burkinabè

Les autorités de l’Éducation préparent les Assises nationales sur l’Éducation. C’est la tribune par excellence pour diagnostiquer les défaillances de notre système éducatif actuel, et y apporter des solutions pérennes. L’Éducation, c’est la clé de l’avenir d’une société. Et à la faveur de ces assises, aucun sujet de doit être tabou. Y compris le paradoxe des chats, ce mal pernicieux qui ronge la société burkinabè. De quoi s’agit-il?

C’est le poète et journaliste malgache Flavien RANAIVO  qui a su, en des mots bien choisis, décrire le paradoxe des chats. « Ne soyez pas comme des chats : Friands de poisson, ils détestent la nage», conseillait-il dans sa célèbre poésie « Le travail, notre ami».

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La société burkinabè est exactement dans une situation où le gain facile est encouragé, et le travail honnête réprimé. « L’honnêteté est devenue un délit », disait un vétéran de la scène politique. Et l’autre d’ajouter que la morale agonisait. C’est ce qui cause le pillage des ressources publiques, la corruption et même la criminalité.

C’est également cette situation qui fait que l’écrasante majorité de la jeunesse scolarisée rêve de travailler dans la Fonction publique, dans des bureaux luxueux, et fuient les champs comme la peste. L’État, de l’avis de beaucoup, est comme la carcasse d’un éléphant : celui qui a un couteau tranchant s’en sert à souhait.

C’est cette conception des choses qui amène de jeunes gens à se jeter dans les bras de réseaux de délinquants et de cellules terroristes, pour des promesses d’enrichissement-éclair.

Au crépuscule des années 90, Norbert ZONGO mettait déjà la société burkinabè en garde contre la gourmandise : Parce que le voisin a quitté la mobylette pour la Patrol grâce à la politique, l’on veut, soi aussi, s’y lancer et réussir facilement.  Plus de 20 ans après l’analyse de ZONGO, la réalité n’a fait que s’exacerber. La motocyclette a remplacé la mobylette, et la V8 la Patrol, mais la gloutonnerie a pris des tournures inquiétantes.

Tenez ! Dans un pays où se créent chaque jour des partis politiques et des OSC alignés à la mamelle de l’État, et où les unités industrielles se comptent du bout des doigts, il faut sérieusement s’inquiéter. Dans un pays où les débits de boisson sont ce qu’il y a de plus répandu, il faut se poser des questions.

L’on raconte que le président Sangoulé LAMIZANA était tellement sobre, que lorsqu’il revenait trouver que les étudiants avaient mangé son plat de midi, il demandait juste qu’on lui achète une miche de pain à la boutique pour déjeuner. Où est partie cette sobriété légendaire des Burkinabè ? Dans les administrations, dans les marchés, dans les maisonnées, ces valeurs s’effritent. Ce n’est pas qu’une affaire de dirigeants. C’est tout un système multi-décennal bien huilé et accepté. Et des dirigeants de bonne foi se rendraient prisonniers d’une telle société en décomposition.

D’où viendra donc le salut ? Il faudra non seulement des réformes majeures, comme ce qui se projette, mais il faut également une implication de toutes les institutions et de tous les leaders d’opinion : des cellules familiales aux collectivités, des structures d’enseignement aux institutions judiciaires, des religieux aux coutumiers, des syndicats aux OSC, du pouvoir à l’opposition, (…) pour refonder cette société et la remettre sur le socle des bonnes valeurs ancestrales.

Toutes les nations qui ont opéré des miracles au XXe siècle, à l’exemple de la Chine, ont eu le courage d’accorder une importance capitale à l’Éducation, de se discipliner et de chérir le travail bien fait.

Le Burkina Faso a besoin d’une nouvelle échelle de valeurs. Une échelle qui encourage le travail honnête et abouti, la dignité, la concurrence saine, la loyauté et la dignité. Une échelle qui rejette la courte échelle, le gain facile et à tout prix, la paresse et la culture de la misère. Les Assises nationales sur l’Éducation sont une excellente occasion pour qu’ensemble, nous fabriquions cette échelle. Pas pour nous-mêmes, mais pour les Burkinabè du futur. Ceux-là qui doivent prendre la relève, et batailler pour faire du Burkina Faso, l’un des pays les plus puissants et les plus respectés du monde.

La Rédaction