[Edito] Gouvernement Zerbo I : notre décryptage à chaud

C’est officiel : Le géophysicien Lassina Zerbo est le nouveau Premier ministre du Burkina Faso, en remplacement de Christophe Dabiré. Un homme neuf qui a fait ses preuves dans le management, mais aussi, un novice de la politique en pleine guerre. Et il a vite fait de composer son équipe 26 membres (contre 34 dans l’équipe précédente). Que peut-on dire à chaud?

Son parcours est brillant et séduisant. Des mines à l’Organisation du Traité d’Interdiction Complète des Essais nucléaires (OTICE), ce quinquagénaire aura fourni la preuve de sa rigueur et de sa maîtrise des dossiers. Mais, en diplomatie scientifique, en management et dans les mines. Pour le reste, on le sait régulier au pays, assez ouvert et éloquent comme Tertius Zongo, contrairement à son prédécesseur Paul Kaba Thiéba. Lassina Zerbo fait donc ses premiers pas dans l’Administration et dans la haute politique au pays des hommes intègres.

A priori, les difficultés ne manqueront pas. Non seulement à cause des lourdeurs propres à l’Administration burkinabè, de type francophone, mais aussi à cause de la corruption et des blocages divers qui plombent les compartiments de notre Administration. Quelqu’un disait qu’au Burkina, des perdiems non payés peuvent bloquer un dossier en conseil des ministres. Et un PM averti en tiendrait compte.

Sina saura-t-il bouleverser positivement les choses, en actionnant par exemple l’opération mains propres sans état d’âme ? Ce sera très difficile, mais pas impossible. Tout dépend en partie de l’équipe qui l’entoure.

Avec un gouvernement réduit, retouché avec 19 départs et 10 arrivées, ainsi que des fusions et réaménagements, Lassina Zerbo a un instrument pour insuffler une nouvelle dynamique à l’exécutif. Et des hommes et femmes de poigne, il a su les choisir. A l’exemple de la dame de fer, Rosine Sory Coulibaly, à la diplomatie, Mathias Tankoano au sport, Zéphirin Diabré à la Réconciliation, Bénéwendé Sankara au développement urbain, Smaïla Ouédraogo à l’environnement,…

Un ministère de la prospective a été créé, comme sous Tertius Zongo. A la différence qu’ici, c’est un ministère plein occupé par l’entrepreneur Abdoulaye Bamogo, alors que sous Tertius Zongo, Jacques Gueda était un ministre chargé de mission auprès du président du Faso.

La transition écologique et la transition énergétique sont deux concepts apportés par Lassina Zerbo, respectivement au ministère en charge de l’environnement et celui en charge de l’énergie et des mines. Ce qui montre une ambition d’aller à un développement durable, qui respecte l’environnement.

Des départs d’anciens ministres influents sont enregistrés : Clément P. Sawadogo de l’Administration territoriale, Eric Bougma des infrastructures, Alpha Barry des affaires étrangères, Siméon Sawadogo de l’environnement, Salfo Tiemtoré à la jeunesse, Laurence Ilboudo de l’action sociale et Stéphane Sanou, le Secrétaire général du gouvernement sortant.

Sur le quota genre, on note un recul : de 11 femmes dans le gouvernement Dabiré II, l’on en compte 6 dans l’équipe Zerbo I.

A l’analyse, c’est une équipe dynamique et qualitative que Lassina Zerbo a constituée. Une équipe resserrée, comme promis par le Chef de l’Etat, mais pas homogène. En effet, s’il y a des départs comme celui du ministre issu de la société civile, Harouna Kaboré, il demeure que des partis alliés comme l’UPC, le NTD et l’UNIR/MPS conservent leurs portefeuilles. A moins que “resserer” ne signifie “écarter des clan”, par exemple, celui de Simon Compaoré.

Les ministères de la défense et de la sécurité ne voient pas leurs premiers responsables changés.

Lassina Zerbo a su faire un dosage entre fins connaisseurs des rouages politiques et artisans de l’innovation. Ce cocktail sera susceptible d’inverser la tendance dans la lutte contre le terrorisme, à condition que des décisions radicales et des mesures draconiennes soient prises les jours à venir. Car, pendant que le gouvernement se constituait à Ouaga, dans le Loroum, plusieurs villages se vidaient de leurs populations sous la pression des terroristes.

L’autre question cruciale sera la marge de manœuvre que Sina aura à la tête du gouvernement. L’architecture de son équipe montre que le parti au pouvoir est omniprésent. Contrairement à notre proposition qui était qu’en ces heures sombres, le président du Faso se départisse de son parti pour constituer un gouvernement d’union nationale. Parce que l’enjeu n’est pas la perte du pouvoir pour un parti, mais la perte d’un Etat pour tout un peuple. Hélas !

La Rédaction