[EDITO] Côte d’Ivoire : les titans n’ont plus rien à prouver, sauf leur capacité à recréer la paix

C’était l’événement politique phare de la sous-région ouest-africaine, la semaine passée : le président ivoirien, Alassane Dramane Ouattara, a reçu au palais son frère ennemi de longues décennies, Laurent Gbagbo. Et ils semblent avoir enterré la hache de guerre. Pour combien de temps ? Au détriment des 3000 morts de la crise post-électorale de 2010 ? Qu’ont-ils de plus à prouver aux Ivoiriens, les titans, sinon leur capacité à fixer les bases d’une paix durable ?


Trois décennies durant, Henri Konan Bédié, Alassane Dramane Ouattara et Laurent Koudou Gbagbo ont régné en maîtres sur la Côte d’Ivoire, créant l’exclusion, puis occasionnant une rébellion, une guerre civile et une crise post-électorale, au gré de leurs retrouvailles et de leurs divorces.


Le tête-à-tête Ouattara-Gbagbo du 27 juillet sentait le remake. Ouattara et son jeune frère Gbagbo qui se retrouvent, qui rassurent que tout va bien. Ils se retrouvent pour mijoter quoi encore, contre qui ? Quelques jours plus tôt, c’était Gbagbo qui faisait la paix avec Bédié dans le fief du sphinx à Daoukro.


Il faut le dire, la paix et la réconciliation, pour une fois, doivent être sincères en Côte d’Ivoire. Et pour y arriver, la vérité et la justice ne peuvent être passées à pertes et profits. Par-delà les boucs émissaires et les menus fretins condamnés pour s’être sali les mains dans le cambouis des crises ivoiriennes, il y a des intouchables et les véritables responsables. Et les trois leaders historiques ont chacun des vérités à dire aux Ivoiriens, des comptes à rendre à leur peuple. Leur plus grand tort, c’est d’avoir semé dans l’esprit des jeunes Ivoiriens, la haine ethnique, l’intolérance politique, et les concepts de Nord-Sud, d’Ivoirité, de « Gors et d’Adorateurs inconciliables ».
C’est donc le moment pour eux de faire leur comptabilité. Non pas dans une démarche de règlements de comptes et d’éternel retour à la confrontation, mais un nécessaire catharsis pour guérir définitivement la Côte d’Ivoire du mal de la haine et de la violence politiques.


C’est dans ce sens que les accolades et les signes d’amitié entre Ouattara et Gbagbo ne doivent pas signer le contrat de nouveaux complots, mais la paix enfin retrouvée entre les ténors de la politique ivoirienne. Guillaume Soro, Blé Goudé et les autres jeunes loups de la politique ivoirienne doivent y être associés. Par-dessus eux, les victimes des différentes crises, et le peuple ivoirien tout entier, doivent être pleinement impliqués dans cette nouvelle démarche.


La réconciliation au Burkina sous Compaoré est une jurisprudence qui montre à souhait que les réconciliations tactiques et ponctuelles retardent les crises, mais ne les résolvent pas.


Et si les trois titans, tirant leçon du passé de ce beau pays légué par Houphouët-Boigny, et de leurs vaines batailles, décidaient tous de se retirer en 2025, d’œuvrer pour une paix durable, et de faire la passe à la nouvelle génération ?   Il n’y aurait pas meilleure option !
 
La Rédaction