[ EDITO ] Burkina Faso : opinion publique versatile cherche dirigeants fidèles

Le samedi 05 février dernier, le Centre pour la Gouvernance Démocratique (CGD) organisait un mini-panel sur la crise née du coup d’Etat au Burkina. Le gotha d’érudits en sciences juridique et politique a examiné la situation, ses tenants et ses aboutissants. Certains ont également soulevé l’inconséquence de l’électorat et de l’opinion publique burkinabè, qui veulent une chose et son contraire. Acclamer Sankara et détester l’intégrité, aimer des leaders loyaux et accorder son suffrage à des truands, voilà ce que Dr Rassablga Ouédraogo résume par le terme « prétention illégitime ».
Dans cette nouvelle page transitoire du Burkina, la versatile opinion publique burkinabè risque encore de faire des victimes. Et, un homme politique averti en vaut deux !

Ça semblait plutôt bien parti, les premiers pas du Mouvement Patriotique pour la Sauvegarde et le Restauration (MPSR). Pas d’actes populistes, pas de déclarations pompeuses, encore moins de bains de foule, poings levés à la Place de la Nation, comme un certain Zida. C’est le silence sépulcral, ou plutôt studieux, qui est d’ailleurs la marque de la grande muette. Le bémol, c’est le communiqué invitant les ex-ministres à déposer leurs voitures, qui pouvait se faire sous forme de simple message. Puisqu’il ne touchait qu’une vingtaine de personnes.

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Du reste, Paul-Henri Sandaogo Damiba et son équipe semblent mesurer la gravité de leur mission, et ne pas être distraits par les appels du pieds de quelques OSC du lendemain. Ce qui est en jeu, c’est l’existence même de notre pays, a reconnu le nouveau chef de l’Etat. 

Et des observateurs avisés de suggérer aux nouveaux dirigeants de poursuivre dans leur ligne, stoïques, et de ne surtout pas succomber aux charmes de dame opinion qui a causé la perte de nombre de leurs prédécesseurs. « Vive le Président ! A bas le Président ! », entonnait le reggae man Alpha Blondy, comme pour reprendre l’un des refrains les plus scandés chez nous aux temps de braises.

En effet, en 1966, las d’un président civil à qui ils imputaient tous les péchés d’Israël, les Burkinabè ont appelé l’Armée au pouvoir. Elle est venue, a organisé un jeu de chaises sanguinolentes, et n’est plus partie que 48 années plus tard. Le bilan ? On n’a pas la tête à ça, pour l’heure. L’on retient simplement que le militaire Blaise fut humilié, peut-être bien plus que Monsieur Maurice, et que le peuple a juré de ne plus accepter de treillis sur le fauteuil de Kossyam. Si bien que Yacouba Isaac Zida, au bout de trois semaines, a dû céder sa place à Michel Kafando. Et quand Diendéré et le Régiment de Sécurité Présidentiel (RSP) ont tenté un retour, ils ont été stoppés net par la rue. Au prix de vies juvéniles.

Puis Roch Kaboré a accédé au pouvoir. Au bout de six ans, exactement la même durée que le père des Indépendances, il a, lui-aussi, été chassé de la présidence. Avant cela, l’opinion implorait la grâce du ciel pour qu’un militaire prît le pouvoir des mains de Roch, jugé trop religieux, et par-dessus tout…, trop civil pour gérer ce Burkina-là en pleine guerre.

Ceux qui acclament donc le MPSR sont les mêmes qui n’hésiteront pas à cracher leur venin, à se dédire et à renier le Lieutenant-colonel Sandaogo et sa suite, avant même que le coq ne chante. Thomas Sankara, s’il était possible qu’il fasse des révélations outre-tombe, pourrait témoigner de ce peuple et de son opinion. Ce leader mondial, charismatique et visionnaire, haï, abandonné puis livré à la mort, est aujourd’hui le personnage historique le plus célébré et le plus inspirant de notre pays. En réalité, ce n’était pas que Blaise, le coupable. Ils étaient nombreux, des millions. Même si lui, il est le principal acteur à devoir rendre des comptes.

Les mêmes populations qui ne veulent plus entendre parler de démocratie, de votes et de droits humains, sont ceux-là qui ont élu les dirigeants déchus. Mieux, ils ont payé de la vie de leurs enfants pour ces causes : Norbert Zongo, Dabo Boukary, les martyrs de l’Insurrection et du Putsch manqué, pour ne citer que ceux-là. Revenus de leurs émotions, les Burkinabè s’en souviendront.

Que retenir donc de notre opinion publique ? Qu’elle est mouvante, versatile et inconséquente !

Quelle est l’attitude idoine que devrait avoir le MPSR ? A notre modeste sens, c’est se concentrer sur la mission qu’il s’est fixée, et travailler, par la refondation, à éveiller la masse et à modeler le Burkinabè nouveau. De sorte que, quels que soient les contingences de l’histoire et les inimitiés qu’ils se seront faites, le peuple burkinabè, celui renouvelable et éternel, puisse leur reconnaître le chemin tracé, les graines semées, et les fondations fixées. Jerry Rawlings fit ainsi.

La Rédaction