[EDITO] Bassolma Bazié ministre : même si « le Général » se grillait, ce serait un noble sacrifice

Nommé le 03 mars 2022, le Premier ministre de la transition burkinabè, Dr Albert Ouédraogo, a rendu publique la liste des membres de son gouvernement. Fort de 25 membres conformément aux recommandations des Assises nationales et de la Charte de la transition, ce gouvernement de combat, dans un contexte où la survie de l’Etat est menacée, a la particularité d’avoir en son sein des personnalités connues des Burkinabè de par leur engagement, leurs prises de positions tranchantes et parfois à polémique. Bassolma Bazié, un fervent syndicaliste, ancien Secrétaire général de Confédération générale des travailleurs du Burkina (CGT-B), fait partie de ces ministres qui ont déjà essuyé des critiques de certains citoyens, avant même de prendre fonction. Des mises en garde lui ont même été adressées par la CGT-B, structure qu’il a dirigée pendant 8 ans. Bassolma risque fort de se griller au contact des braises de la politique. Et si c’était un sacrifice utile ?

Bassolma Bazié est l’une des figures qui ont marqué l’histoire du militantisme syndicale au Burkina. Après 27 ans de lutte aux côtés des travailleurs et 8 ans à la tête de la CGTB, l’actuel ministre de la Fonction publique, du travail et de la protection sociale a engrangé les ressources nécessaires pour peser dans ce ministère, peut-on croire. Lui qui ne passait pas par deux chemins pour exhiber souvent ce qu’il qualifiait d’incapacité manifeste du gouvernement. De la lutte pour la suppression de l’Impôt unique sur le traitement des salaires (IUTS) à celle pour l’amélioration des conditions de vie des travailleurs, il était toujours au-devant des meetings, sit-in et marches de protestation. A la différence de certains leaders politiques et d’associations qui se contentent d’envoyer leurs militants sur le terrain tout en restant calfeutrés dans leurs domiciles, le « Général », comme l’ont surnommé ses pairs, humait les gaz lacrymogènes dans les rues de Ouaga, au risque de sa vie et celle de ses camarades.

Pire, après sa traduction en conseil de discipline en novembre 2019, il a été contraint de démissionner de la fonction publique le 24 janvier 2020. Il sera ensuite remplacé par Moussa Diallo à la tête de la CGT-B. Si l’homme, à la tête des rouges, a pu défier des gouvernements qui se sont succédé au Burkina, c’est certainement grâce au soutien de ses camarades, même dans les moments difficiles. Et ce soutien semble fragilisé, ou du moins volatilisé, quand le syndicaliste a osé, en âme et conscience, passer de la théorie à la pratique en acceptant de servir le pays autrement, par les voies insondables de la politique.

Les camarades de lutte du Général, en l’occurrence ceux de la CGT-B, se disent être étonnés de sa décision de se rallier à un gouvernement issu d’un coup d’Etat, et le mettent déjà en garde contre toute atteinte à leurs acquis. Dès lors, l’on peut tenter de se demander s’il y a des Burkinabè qui sont assez saints pour ne pas se salir en servant la cité, et d’autres qui sont nés pour être des éboueurs dans le landerneau politique !

Oui, Bassolma pourrait se griller, se décrédibiliser et même se faire utiliser par les puissants du moments. Puisqu’il a trop parlé, assez dénoncé, beaucoup fait rêver. Si bien que beaucoup le prennent en exemple. Et quand les immortels vous érigent en modèle, vous avez de fortes chances de décevoir à l’œuvre.
Mais ce n’est pas cela qui compte. A un moment où le Faso est occupé de moitié par les forces du mal, il est bon de rappeler à tout citoyen qu’il est réserviste, et qu’il doit se tenir prêt à préserver la terre de ses ancêtres. Les Volontaires pour la Défense de la Patrie, parmi lesquels l’emblématique Yôrô, ont accepté ce don de soi. Dès lors, au nom de quel dogme syndical Bassolma pourrait-il se dérober d’une mission de sauvegarde de la nation ?

C’est plutôt un acte de courage que d’accepter ce sacrifice, surtout dans un contexte assez critique où la population, martyrisée par l’insécurité, attendent impatiemment des résultats.

Bassolma a décidé de s’assumer, quitte à rendre plus tard le tablier, si sa dignité et ses convictions sont en jeu. Et ce ne serait pas une première. C’est pourquoi l’on peut affirmer sans chevroter que même si Bassolma Bazié se grillait, ce serait un noble sacrifice.

Toutefois, le nouveau ministre la fonction publique devrait être cohérent avec ce qu’il a toujours défendu comme valeurs et pratiques. Maintenant qu’il est parmi les décideurs du pays, des questions liées aux conditions des travailleurs ne devraient plus souffrir dans les tiroirs. C’est le cas de l’IUTS dont lui-même a combattu l’instauration, des retards dans les mandatements et actes de carrière, des injustices qui sont légion, de la politisation à outrance de l’Administration, etc.

Aussi, quoi de plus grand pour le Général que de s’élever au-dessus de toute vengeance de ses adversaires d’hier ! Car, comme lui-même aimait le répéter, « le combat est contre un système et non contre un individu ».

Enfin, en toute cohérence avec ses sorties médiatiques, le Général devrait faire du bénévolat à son poste de ministre. Quitte à se faire des ennemis dans les rangs de ceux qui veulent manger. Parce que si Bassolma trahit l’image qu’il a donnée de lui, il se grillerait de la pire des façons. Puisqu’au finish, on peut se griller avec dignité et honneur et rester dans l’histoire, comme Thomas Sankara et Norbert Zongo. Mais l’on peut aussi se griller et être rayé des annales de l’histoire, comme ceux qui n’ont pas su lire les signes des temps.

Que les mânes des ancêtres, puisque c’est en eux que Bassolma croit, puissent guider les pas du général sur de justes sentiers !

La Rédaction