[EDITO] De l’Afghanistan au Sahelistan, le chamboulement géopolitique en marche

Les Talibans, après deux décennies de luttes âpres, sont parvenus finalement à prendre le contrôle de Kaboul, et donc du pouvoir étatique en Afghanistan. Au même moment, les terroristes au Sahel, qui se sont engouffrés dans la brèche libyenne pour envahir le Sahel, déroulent leur stratégie de l’étau. Comment contrer les terroristes, et avec quel moyen ? Jusqu’où ira cette guerre du Sahel ? Un chamboulement géopolitique est en perspective.


La prise de Kaboul par les Talibans est plus qu’un symbole pour les terroristes. C’est le signe et la preuve pour eux qu’ils peuvent prendre le pouvoir d’État par la force de la terreur, et y rester (et peut-être se faire accepter), par la douceur et la diplomatie. Sitôt au pouvoir, ces barbues ont en effet décrété une amnistie pour les fonctionnaires, les encourageant à continuer avec leurs manières habituelles de vivre. L’Émirat islamique d’Afghanistan, qu’ils ont instauré, a assuré tous les pays du monde qu’il ne sera source de menace pour aucun État.  Une rencontre entre l’Ambassadeur russe en Afghanistan et ces nouvelles autorités est d’ailleurs prévue ce mardi, Moscou n’excluant pas la possibilité de reconnaître le régime taliban. Shebabs en Somalie, Boko Haram au Nigeria, et le GSIM au Sahel africain, doivent se frotter les mains. Tout leur devient possible.


« Nous avons eu l’Afghanistan, il ne faut pas qu’il y ait de Sahelistan », disait en 2012, le ministre français des affaires étrangères d’alors, Laurent Fabius. 2012, l’année où les terroristes ont pris plusieurs villes maliennes, et ont tenté d’entrer à Bamako. Déjà !


« L’issue de la guerre d’Afghanistan devrait faire réfléchir au Mali et au Sahel », a tweeté dimanche dernier, l’ancien chef de la diplomatie malienne, Tiébilé Dramé. « Concentrons-nous sur la construction d’un Etat viable ! S’unir ou périr ! », s’exclama M. Dramé.


L’écrivain burkinabè Adama Siguiré fait une analyse similaire, dans un article sur Facekook intitulé : “Ouagadougou, Bamako et Niamey vont-ils tomber dans 20 ans entre les mains des groupes terroristes comme Kaboul est tombé entre les mains des Talibans?” Morceau choisi : « Vu l’insouciance de nos États pour la bonne gouvernance, vu le délaissement des populations qui commencent à collaborer dans de nombreuses régions avec les forces terroristes, il se pourrait que dans dix ans, les terroristes soient aux portes de Ouagadougou, de de Bamako ou de Niamey, pour mener leurs derniers combats comme les Talibans l’ont fait ces derniers jours pour prendre Kaboul. »


En réalité, les Occidentaux, en voulant jouer avec le feu, se brûlent les doigts. Leurs pactes et alliances avec les mouvements terroristes risquent fort de se retourner contre eux. Les terroristes, peut-on paraphraser, n’ont pas d’amis, ils n’ont que des idéologies.
Les conditions se réunissent peu à peu pour l’éclatement d’une troisième guerre mondiale. Une guerre plus perlée, plus lente, et plus dévastatrice. Des intelligences s’affrontent, avec leurs alliés, pour prendre le contrôle ou garder le contrôle du monde.


Et dans cette guerre, l’Afrique risque d’être grande perdante, comme lors des deux précédentes. En refusant de former un bloc solide face aux autres puissances, en menant plutôt des négociations individuelles et des ripostes solitaires contre le terrorisme, les pays du vieux continent sont vulnérables.


Le salut des États Africains ne viendra ni de Paris, ni de Moscou, ni de Pékin. Notre salut viendra de notre force intérieure, de l’engagement de notre jeunesse, de la solidarité panafricaine, de la gouvernance vertueuse, et de la distribution équitable des fruits de la croissance.
Et si les pays africains agressés n’y prennent garde, les terroristes ne se contenteront pas seulement de prendre le pouvoir. Ils susciteront et provoqueront des micro-Etats (suffisamment faibles), avec des mouvements indépendantistes. Pendant cette guerre des clochers, le monde poursuivrait sa marche.


La bataille géopolitique n’est pas une foire de miséricorde où l’on vent des sentiments, et où la pitié est monnaie courante. C’est une bataille préparée des décennies durant par des visionnaires, et exécutée à la lettre par des gens qui n’y gagnent rien. Une fois que l’Afrique aura bien compris cela, elle aura entamé le chemin de sa véritable indépendance, et de l’affirmation de sa puissance.
 
La Rédaction