Crises multiples: le Village artisanal résiste, mais…

Le 09 mars 2020, le Burkina Faso annonçait le premier cas de Covid-19 déclaré sur son territoire. L’arrivée et la propagation de la maladie ont déstabilisé le monde de la culture, l’artisanat y compris. Mais les problèmes ont commencé bien avant. En 2014, à l’apparition de la pandémie d’Ebola, l’artisanat burkinabè en avait payé les frais. Après cela, coup sur coup, le secteur a subi les conséquences du coup d’Etat de septembre 2015, les attaques terroristes de 2016, et la crise de la Covid. Le secteur résiste. Comment? Jusqu’à quand?
En ce début d’année 2021, ACTUALITE.BF a tendu son micro au responsable du village artisanal et à quelques artisans pour comprendre les difficultés qu’ils vivent.


Selon M. Maurice Sama, Gestionnaire du Village artisanal, le mal que vit le monde de l’artisanat ne date pas d’aujourd’hui. Tout a débuté en 2014 avec l’apparition de la pandémie d’Ebola. A l’époque, les artisans ont assisté à une diminution considérable des recettes liées à leurs activités. Sachant que les œuvres d’artisanat se vendent plus à l’extérieur qu’à l’intérieur du pays, le secteur a été naturellement affecté. Et, le malheur ne venant jamais seul, après Ebola, le jour de l’ouverture du SIAO 2016, le Burkina Faso a connu une tentative de coup d’Etat. Un putsch manqué qui a tout de même empêché la célébration du grand salon.
En outre, en janvier 2016, le pays des hommes intègres a été victime d’une attaque terroriste d’envergure qui a principalement visé des expatriés et l’hôtellerie . Depuis, les fréquentations des touristes au Burkina Faso a baissé considérablement. Last, but not the least, nous assisterons à l’annonce du premier cas du Covid-19 le 09 mars 2020. Une annonce qui a précipité le retour des touristes expatriés qui présents malgré l’insécurité. Des vols spéciaux ont été organisés pour faciliter le retour des européens. A cela est venue s’ajouter l’interdiction d’expositions à l’extérieur, dans certains pays. Alors, le Village artisanal a connu une régression vertigineuse de son chiffre d’affaires annuel. De 520 millions en 2014, il est passé à 200 millions en 2018. Le bilan de 2020 s’avère moins reluisant.
Selon toujours M. Sama, la Covid-19 a eu un impact négatif sur l’artisanat qui a un marché international. Désormais, tout se fait sur commande ou en ligne, parce que le tourisme, l’hôtellerie et les agences de voyage sont concernés par les conséquences du coronavirus. Malgré l’encouragement de l’Etat, ils ne sont pas nombreux, les Burkinabè qui consomment les produits d’artisanat local.
B. Lucien Madinatol, maroquinier au Village artisanal confie : « Nous avons pris un coup. Depuis le mois de mars de l’année dernière, plus rien ne va. Nous n’arrivons même pas à vendre le quart de ce que nous vendions avant. Ce qui fait que les artisans n’arrivent pas à honorer leurs charges vis-à-vis de l’Administration. Nous avons une autonomie de gestion. Donc, nous vivons des loyers et quelques ristournes. Mais actuellement, les gens n’arrivent plus à vendre. Il n’y a pas de clients. La plupart de nos clients sont des expatriés ou des étrangers. Nous, les Burkinabè, nous vivons aujourd’hui la même situation. La priorité c’est de se nourrir. Nous ne savons pas comment ça va se terminer. Nous prions Dieu que la maladie régresse, sinon nous sommes au bord du gouffre. »

B. Lucien Madinatol

M. Madinatol confie que l’insécurité a certes joué négativement sur l’artisanat, mais que les effets de la Covid-19 ont été plus dévastateurs pour ce secteur d’activité. « Nous avons même fermé un mois à cause de la maladie. A notre retour, ça continue», a-t-il déclaré. Et d’ajouter qu’avant la crise de la Covid, il y avait des foires à l’extérieur et les artisans faisaient de bonne affaires. Mais, souffle notre interlocuteur : « jusque-là, nous n’avons pas reçu de l’aide des autorités. Juste des promesses. Il faut que nos autorités pensent à nous, comme elles pensent aux autres. C’est notre Administration qui nous a payé 3 mois d’électricité. Mais nos problèmes persistent toujours. Nous sommes toujours endettés ».
Le gestionnaire du village explique que, jusqu’à présent, rien n’est fait au niveau de l’Etat pour accompagner le monde artisanal dans cette épreuve qu’il traverse. Seule l’Ambassade du Luxembourg a apporté son soutien aux artisans : Une somme de 9 620 000 Francs CFA, des sacs de riz, de l’huile et des cache-nez.
L’Ambassade a également pris en charge certains ateliers. Quant à l’ensemble des travailleurs du Village artisanal, ils lancent un cri de cœur aux autorités afin qu’elles leur viennent en aide. Ils proposent que l’Etat organise quelques foires et des activités qui leur permettront d’exposer leurs articles.