Crise politique : selon Dr Abdoul Karim Saidou, la démocratie ne fragilise pas la sécurité

<< Le Burkina Faso à l’épreuve d’une nouvelle transition : leçons apprises, défis et perspectives >> : c’est sous ce thème que le Centre pour la Gouvernance Démocratique (CGD) et l’ONG Diakonia ont tenu ce samedi 05 février 2022, un mini-colloque sur la situation de crise au Burkina Faso, marquée par le coup d’Etat et une transition en gestation. Plusieurs sous-thèmes ont été abordés par des enseignants-chercheurs en sciences sociales. Parmi les panéliste figurait Dr Abdoul Karim Saidou, qui a développé le sous-thème : “Régime démocratique et lutte efficace contre le terrorisme : mariage impossible?”

Vue des panelistes

Le Professeur Albert Ouédraogo, enseignant-chercheur en lettres modernes, a exposé sur les forces et faiblesses du régime de Roch Marc Christian Kaboré. En abordant les forces de ce régime, il a souligné le fait qu’il a été démocratiquement élu, et jouissait d’une légitimité et d’une popularité. Il a également abordé la question de l’affaiblissement de certains partis politiques d’opposition qui se sont finalement alliés au MPP.

Pr Ouédraogo n’a pas manqué de pointer du doigt la chefferie coutumière et religieuse et les opérateurs économiques qui, pour lui, ont été politisés par le parti au pouvoir.

Le Professeur de lettres modernes a par ailleurs fait remarquer que l’une des forces majeures de l’ex-parti au pouvoir était la maîtrise de l’arène politique burkinabè par ses trois grandes figures, à savoir Salifou Diallo, Simon Compaoré et Roch Marc Christian Kaboré.

En ce qui concerne les faiblesses du MPP, le paneliste a indiqué que la malchance du régime Kaboré, c’est d’être venu aux affaires après une insurrection. Car, pour lui, les attentes étaient pressantes et énormes.

Albert Ouédraogo a, en outre, souligné la méfiance de l’ex-président Kaboré vis-à-vis des militaires, dans le registre des faiblesses. A ces points faibles est venu s’ajouter le décès de Salifou Diallo, stratège du parti.

L’assassinat de Ladji Yôrô, des nominations de complaisance, les interdictions de manifestations et la coupure abusive de l’internet ont été, entre autres, les facteurs qui ont précipité la chute du régime par un coup d’Etat, a analysé Pr Ouédraogo.

Quant au deuxième paneliste, Dr Abdoulaye Barro, il a exposé sur “les imprévus de l’histoire : le destin de la démocratie burkinabè”. Ce philosophe a d’abord confié que l’homme aime la vérité et la démocratie, et qu’il ne suffit pas d’avoir le pouvoir pour avoir raison, ni d’avoir raison pour avoir le pouvoir.

Selon Dr Barro, l’esprit de l’insurrection doit être compris comme une donnée permanente dans la gestion de notre histoire. Il a aussi confié que le coup d’Etat du 24 janvier 2022 n’est qu’une parenthèse historique qui doit nous permettre de gérer au plus vite la question du terrorisme, tout en évitant que cela ne nous amène à remettre en cause nos convictions démocratiques.

En faisant l’histoire des coups d’État, Dr Fati Balima a essayé d’établir une corrélation entre l’armée et la politique. Selon elle, en 2015, par exemple, on a assisté à la démilitarisation du pouvoir avec la configuration institutionnelle du pouvoir où la dimension militaire a été laissée de côté. Cette démilitarisation pour elle, n’a pas entraîné une longue dépolitisation de l’armée.

Docteur Abdoul Karim Saidou, quant à lui, il a abordé le sous-thème: “Régime démocratique et lutte efficace contre le terrorisme : mariage impossible?”

Il est parti du postulat que les démocraties ne se font pas la guerre, et qu’elles sont moins exposées aux guerres civiles. En énumérant quelques exemples pour appuyer ses propos, il a indiqué que la démocratie est un système moderne pour diriger nos sociétés. Pour lui, la démocratie ne fragilise pas la sécurité, et l’insécurité ne fragilise pas non plus la démocratie. << Ce sont les coups d’État qui fragilisent l’armée>>, a martelé Dr Saidou. Et de mettre plutôt en cause la mauvaise gouvernance.

Le politologue a montré que l’autoritarisme peut susciter le développement, mais que cela dependra des pratiques. << Si les pratiques ne mobilisent pas les investissements dans les secteurs sociaux de base, ce serait impossible. Comme quoi, la démocratie n’est pas, dans l’absolu, la seule voie pour aller vers le développement>>, a-t-il conclu.