Burkina Faso : l’insécurité et le sous-financement affectent la prise en charge des réfugiés

L’insécurité grandissante dans le Sahel et le sous-financement constituent les principaux obstacles à la prise en charge des 22 000 réfugiés que comptait le Burkina Faso, à la date du 31 mai 2021, a déclaré dans une interview exclusive à l’Agence Anadolu (AA), Maurice Azonnankpo, le représentant résident adjoint du Haut-commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) au Burkina Faso.

Le Burkina Faso accueille depuis 2012 des réfugiés principalement du Mali à cause de la crise socio-politique qui a secoué ce pays voisin. Entre janvier et avril 2021 près de 2 000 personnes supplémentaires sont arrivées du Mali, selon le représentant adjoint du HCR Maurice Azonnankpo.

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«Ces personnes fuient pour sauver leur vie, chercher la tranquillité, la protection au-delà des frontières de leurs pays d’origine, car là où ils vivaient, ils ne se sentaient plus en sécurité en raison des violences armées et autres actes de persécution», a expliqué Maurice Azonnankpo.

«Le sous-financement est l’une des difficultés majeures à laquelle fait face le HCR», a-t-il déclaré soulignant que jusqu’à présent, seul, 25% des 91,6 millions de dollars US nécessaires pour l’année 2021 ont été mobilisés.

De ce fait, a-t-il indiqué, «nous sommes dans l’obligation de prioriser les activités relatives à la réponse d’urgence, et nous concentrer également sur celles favorisant la résilience des personnes déplacées et communautés hôtes affectées ».

  • Les attaques terroristes entravent le travail des humanitaires

L’autre grand défi pour l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés au Burkina Faso est l’insécurité marquée par des attaques terroristes. Courant le mois de mai, des hommes armés avaient tiré sur des véhicules de l’Agence et de ses partenaires sur la route entre la ville de Dori et le camp de Goudoubo dans le Nord du pays, où campent quelques 12 200 réfugiés et demandeurs d’asile maliens.

Aucune victime n’a été déplorée dans ces attaques sur les véhicules. Cependant, l’impact psychologique et l’insécurité croissante ainsi que la présence de groupes armés non étatiques dans plusieurs régions du Burkina Faso entravent de plus en plus l’acheminement de l’aide et la protection des personnes dans le besoin, souligne le HCR dans un communiqué.

Depuis 2019, les violences au Burkina Faso ont déjà contraint plus de 1,2 million de Burkinabés à se déplacer à l’intérieur du pays. Pour l’année 2021, quelques 150 000 personnes supplémentaires sont devenues des déplacés internes, dont 84% sont des femmes, qui sont exposées à un risque élevé de violence et d’abus, ou des enfants, dont la moitié aurait été victime de violences physiques et d’abus.

«Cette situation fait du Burkina Faso, le pays qui connait l’une des crises de déplacement et de protection qui grandit le plus rapidement au monde», note Maurice Azonnankpo rappelant que cela affecte également la prise en charge des 22 000 réfugiés et demandeurs d’asile, principalement originaires du Mali.

A titre d’illustration, il a expliqué qu’en 2020, suite à des attaques sur le camp de Goudoubo (région du sahel), les réfugiés avaient fui vers les villes avoisinantes, notamment Dori et Gorom-Gorom.

Saluant les efforts des autorités burkinabè dans la prise en charge des réfugiés et la sécurisation de leurs camps, le représentant adjoint du HCR a souligné que le camp constitue, dans le contexte de la région du Sahel au Burkina Faso, un lieu où les réfugiés ont plus facilement accès à l’assistance et aux services essentiels (écoles, santé, eau etc.).

  • 4.466 réfugiés souhaitent rentrer chez eux

Le HCR et ses partenaires mettent en œuvre des activités de protection et d’assistance pour les réfugiés. Dans le cadre des recherches de solutions pour les réfugiés, le HCR affirme avoir soutenu ceux qui ont manifesté le souhait de rentrer chez eux. «En 2020, plus de 4 466 personnes ont été assistées dans le cadre du retour volontaire vers des zones et localités du Mali où la situation s’est améliorée. Ces retours volontaires sont faits dans le cadre de l’accord tripartite entre les gouvernements du Mali, du Burkina Faso et le HCR », a expliqué Maurice Azonnankpo.

Il a noté que ces retours volontaires ont été suspendus avec la fermeture des frontières, suite à la pandémie du coronavirus. Mais les discussions continuent afin de pouvoir planifier avec les gouvernements du Mali et du Burkina Faso, pour étudier la question en mettant l’accent sur le caractère volontaire du retour, dans la sécurité et la dignité, a-t-il affirmé.

  • On ne peut jamais être mieux que chez soi

Ag Mohamed Wanadine a quitté la ville de Gao au Nord du Mali, en 2012, alors que ce pays traverse une crise sécuritaire, pour rejoindre le Burkina Faso. «Les évènements étaient devenus incontrôlés et chacun a fui son village pour se retrouver ailleurs. D’autres sont allés en Mauritanie, au Niger et au Burkina Faso», a-t-il expliqué à l’Agence Anadolu, joint au téléphone, depuis le camp de réfugiés de Goudoubo (sahel).

«On ne peut jamais être mieux que chez soi. Au fur et à mesure nous avons des pressentis que les conditions de vie se dégradent sur le camp, vu la réduction des enveloppes des bailleurs. A chaque fois que nous nous décidons de repartir (au Mali) on sent que la question de l’insécurité est en train de devenir sous régionale, ce n’est pas seulement le Mali», a-t-il expliqué.

Ag Mohamed Wanadine qui occupe le poste de président du camp de réfugié a souligné qu’aujourd’hui ce n’est pas seulement les réfugiés qui sont meurtris, les nationaux sont également dans la même situation.

«Les nationaux sont en train de se replier vers les grandes villes. Les réfugiés ne savent pas où aller (…) c’est le désespoir, car même nos frères qui nous ont accueillis sont troublés par la question de l’insécurité. Là où le logeur se cherche, l’étranger qu’est-ce qu’il va faire ?», a-t-il noté.

Jointe au téléphone par l’Agence Anadolu, Wallet Tajoudene Mariama, présidente des femmes du camp, s’inquiète de l’insécurité souvent constatée sur les sites des réfugiés.

Elle a rappelé que le camp fait souvent l’objet de menaces d’individus armés non identifiés. «Depuis qu’ils ont commencé à mener des attaques aux alentours du camp, les conditions ont commencé à se dégrader», a-t-elle déploré, soulignant également la faiblesse des ressources disponibles pour la prise en charge.

«Souvent, nous sommes obligés de prendre des crédits avec certaines personnes pour pouvoir vivre. Nous demandons aux bailleurs de fonds d’augmenter les budgets de prise en charge des réfugiés», a-t-elle regretté.

  • Le HCR a besoin de 259,3 millions de dollars pour soutenir les réfugiés du Sahel

Outre le Burkina Faso, dans la région du Sahel central, les pays voisins, le Mali et le Niger, ont également connu une forte augmentation de la violence et des déplacements. Le Mali compte 372 000 personnes déplacées internes, soit une augmentation de 7% depuis le début de l’année 2021.

Selon les chiffres du HCR, au total, 237 000 réfugiés et 300 000 personnes déplacées vivent au Niger, avec une augmentation de 4 000 réfugiés et 2 000 personnes déplacées depuis le début de l’année 2021 suite à une augmentation des attaques dans les régions de Tillabéri et Tahoua.

Des ressources supplémentaires sont nécessaires de toute urgence pour répondre aux besoins humanitaires croissants, car le financement de la réponse du HCR demeure extrêmement faible.

«Les besoins de financement du HCR pour les pays du Sahel central (Burkina, Mali et Niger) en 2021 s’élèvent à 259,3 millions de dollars. Jusqu’à présent, seul un quart des fonds demandés a été reçu», a alerté au début du mois de juin l’Agence onusienne dans un communiqué.

Agence Anadolu