Burkina 2021 : éviter le syndrome de l’éléphant royal

Au clair de lune, nos devanciers transmettaient enseignements, sagesse et bonne humeur au détour de contes. Et ces contes demeurent d’actualité pour qui sait les écouter avec une « troisième oreille».

C’est le cas du conte sur l’éléphant royal. Un roi élevait  avec amour un éléphant. Le pachyderme, libre de ses mouvements, détruisait les récoltes du royaume. Tous se plaignaient des dégâts causés par l’éléphant, mais nul n’osait lever la voix. Un homme prit sur lui le risque d’être le porte-parole des paysans. Mais à condition qu’une délégation soit constituée pour aller voir le roi au palais. L’entente était que le porte-parole introduisit le sujet : « Majesté, votre éléphant,… », et que la suite de la délégation termina : « il détruit nos récoltes. » De sorte que l’éventuelle colère du roi ne s’abattit pas sur un seul paysan.

Ainsi dit, une bonne file de sujets se rendit au palais. Le roi prêta oreille à la doléance que ses sujets venaient poser. « Majesté, votre éléphant, …. », introduisit le porte-parole. Silence de cimetière. L’homme, agenouillé devant le roi, se retourna comme pour rappeler aux autres leur devoir, mais personne ne broncha. Alors, poursuivit-il après avoir raclé la gorge, « Votre éléphant est aimé de toute la contrée, mais il est seul. Il faudra lui ajouter une femelle pour que l’espèce se prolifère dans Votre beau royaume ».

Le syndrome de l’éléphant royal guette le Burkina, version 2021. Sur le plan politique, l’on observe des démissions, des adhésions et des ralliements politiques, qui posent avec acuité l’avenir d’une démocratie sans opposition. Au plan social, le geste de Bassolma BAZIE, qui a démissionné (certes de plein gré), pose sur la table de débat la protection de ceux chargés de défendre les faibles contre les forts. Des journalistes sont menacés, mais ne trouvent pas en face une population prête à les défendre et à mettre en garde les potentiels auteurs d’un « Sapouy 2 ». Des organisations de la société civile sont soit politisées, soit désespérées de mener une lutte (contre la corruption, pour telle ou telle cause) en faveur de citoyens réfractaires à l’idée de changement.

Tout se passe comme si chacun pensait à son salut personnel, même au péril de la communauté.

Nous assistons à une résignation générale qui risque de faire proliférer des éléphants et consumer nos récoltes. Et quand on n’est pas si loin de la ligne rouge, il n’y a pas d’autres solutions que de travailler à avoir des institutions fortes. A commencer par la Justice. Cela relève de la volonté des pouvoirs publics. L’avenir de notre démocratie en dépend !

La Rédaction