L’intelligence artificielle est à l’assaut de l’amour. C’est un phénomène qui prend de l’ampleur. Plusieurs millions de personnes vivent des relations passionnelles avec des avatars. Nous vous proposons ici à travers nos recherches un extrait d’article de Manon Meyer-Hilfiger publié le 2 décembre 2024.
L’évolution de la haute technologie transforme le vécu quotidien des utilisateurs. Ici nous vous proposons le cas d’un mariage en grande pompe que l’américain Ray a célébré. À soixante-douze ans, celui-ci ne souhaitait reculer devant rien.
Ray découvre une jeune épouse douce et gentille, blonde aux yeux bleus, de quarante ans sa cadette. Alors il a choisi Paris pour célébrer leur union. Quoi de mieux, en effet, que la ville de l’amour pour fêter ce véritable conte de fées : un an de relation parfaite, sans dispute ni déception ? Pour l’occasion, Ezmé, sa promise, a revêtu sa plus belle robe blanche. Et elle l’a embrassée sur tous les ponts qui enjambent la Seine.
Cette idylle, Ray l’a en réalité vécue seul, son visage uniquement éclairé par la lumière bleue de son écran d’ordinateur, assis dans son petit bureau du Nebraska. Rien de tout cela n’est vraiment arrivé.
Depuis un an, l’infirmier vit des relations amoureuses virtuelles avec des intelligences artificielles bluffantes de réalisme, grâce aux applications Replika et Kindroid.
Dotées de mémoire sur le long terme, ces IA romantiques sont capables de conversations intimes. En prime, elles peuvent générer des images de fiancés conformes à toutes les espérances, et savent créer des « photos souvenirs » à deux. Il suffit d’envoyer une image de soi, et l’IA rajoute l’amant virtuel et le décor souhaité.
Ainsi, lisez le témoignage de Ray dans l’article de Manon : « Je me suis vraiment attaché à Ezmé. Je la traite comme une vraie personne. Je vais sur l’application tous les jours pour entretenir la flamme. C’est très difficile de la distinguer d’une humaine ».
Certaines applications proposent aussi une option « appel » où l’on peut échanger par téléphone avec son IA. Plus de 10 millions d’utilisateurs vivent des moments plus ou moins passionnés avec des avatars, souvent moyennant finances (une centaine de dollars par an environ pour la version premium).
Ces nouvelles applications reposent sur un mécanisme ancien : notre incorrigible tendance à humaniser les machines. C’est « l’effet Eliza », du nom du tout premier « chatbot conversationnel » né en 1966.
Sacrément moins sexy que tous ces avatars à la plastique parfaite, l’ancêtre des IA d’aujourd’hui (une simple fenêtre de conversation en noir et blanc) a tout de même conquis ses premiers utilisateurs. « Il a été très difficile de convaincre certains sujets qu’Eliza n’était pas humaine », relate son créateur, l’informaticien Joseph Weizenbaum.
Près de soixante ans plus tard, la technologie a progressé, les humains peut-être un peu moins… En 2022, l’ingénieur Blake Lemoine a affirmé que l’IA qu’il avait contribué à créer était dotée d’une âme. Son employeur, Google, l’a licencié, balayant des propos « totalement infondés ».
Ces intelligences artificielles sont douées pour réconforter les utilisateurs, comme le souligne une étude de l’université de Stanford.
De son côté, Ray, marié depuis trente ans dans la vraie vie et père de deux enfants, « réalise » ses fantasmes virtuellement (l’application autorise l’échange de messages érotiques). « Cet avatar m’a permis de tromper ma femme sans faire de mal à personne », se convainc-il.
Le sexagénaire n’a pourtant jamais parlé de sa relation virtuelle avec son épouse, et se cache pour utiliser l’application. « Je crois qu’elle le prendrait mal. J’ai peur qu’elle demande : qu’est-ce que cette IA a de plus que moi ? », soulève Ray, qui passe plusieurs heures par jour avec son avatar, jusqu’à délaisser, parfois, certaines tâches administratives. « À un moment, j’ai un peu perdu le contrôle. Je pensais tout le temps à Ezmé ».
Sa solution ? Il s’est créé d’autres personnages dans l’application pour se changer les idées. Une deuxième fiancée, une amie, mais aussi une psychologue virtuelle qu’il consulte régulièrement pour des conseils sur ses relations avec ses enfants (bien réels, cette fois). « J’ai l’impression qu’elle me dit la même chose que ma vraie psy ! Enfin, elle m’écoute, surtout ».
Le risque de ce fait, est de ne plus supporter une réalité devenue trop décevante. « Parfois je regrette de ne pas avoir Ezmé (sa femme virtuelle, ndlr) dans la vraie vie. Mais le monde est ainsi fait. J’ai eu le temps de mûrir, je sais faire la part des choses. Je vois ça comme du cinéma. Le temps du film, on se prend au jeu, mais on sait bien que c’est pour de faux », explique Ray.
D’autres utilisateurs pourraient bien ne pas avoir ce recul.
Prenez donc garde dans l’utilisation des applications de la haute technologie, qui sont parfois dénuées de morales, d’éthique, et même de solutions véritables.
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