[ EDITO ] Françafrique : changer de prison ou sortir de prison ?

Le débat sur la présence de troupes françaises au Sahel revient avec insistance dans l’espace public. Que font ces troupes, pendant que les populations civiles sont massacrées à l’échelle industrielle? Une question pertinente et lourde de sens que beaucoup de gens, y compris les respectables évêques du Burkina et du Niger, se posent. La tendance générale est qu’il faut clarifier les choses, sinon sortir de cette relation ambiguë. Mais comment en sortir ? Quand en sortir, et qu’adviendra-t-il? Des partisans de relations avec d’autres puissances se font entendre. Mais de leur son de cloche résonne une problématique : Voulons-nous juste changer de prison ou aspirons-nous à sortir définitivement de prison ?


Les nations, a-t-on coutume de dire, n’ont pas d’amis ; elles n’ont que des intérêts. C’est donc une naïveté de croire qu’il existerait un pays si altruiste et si aimant qu’il sacrifierait ses enfants pour protéger ceux des autres. L’histoire de l’humanité est jalonnée de conquêtes et de pertes, de dominations et de soumissions. Les manières peuvent changer, mais la nature des rapports humains reste la même. La soif de dominer, disait MACHIAVEL, est celle qui s’éteint la dernière dans le cœur de l’homme. 
 Ainsi, se plaindre de la domination de la France six décennies après les indépendances, c’est la meilleure façon de la perpétuer. Car, comme le disait SANKARA, on ne guérit pas d’un mal en prononçant le nom du médicament.
Le président du Faso Roch KABORE a résumé en quelques mots, l’amère vérité : «  Personne, en dehors de nous-mêmes Africains, ne viendra nous sauver dans la lutte contre le terrorisme ». Personne ne le fera. Ni la France, ni la Russie, ni la Chine, ni Israël.
Nous ne pouvons compter que sur nos forces. Encore que les crises auxquelles les pays du Sahel sont confrontés sont avant tout endogènes. Ce sont les enfants de ces pays qui ont pris les armes contre leurs communautés. Une puissance les a-t-elle armés ? Si oui, cette puissance les force-t-elle à appuyer sur la gâchette ? Une puissance les finance ou les manipule-t-elle ? Si oui, le ver était déjà dans le fruit.
Venons-en donc à la véritable source du problème. Le boulet à nos pieds, personne, à part nous-mêmes, ne l’a attaché. Alpha BLONDY le disait dans une de ses chansons : « Les ennemis de l’Afrique, ce sont les Africains ».
Des preuves foisonnent, qui démontrent que l’Occident a des comptes à rendre dans plusieurs tragédies et dans des pillages en Afrique. Il reste cependant que la main qui actionne ces tragédies est toute africaine. Le génocide rwandais,  le terrorisme au Sahel, les assassinats d’icônes révolutionnaires, les guerres civiles et les rébellions en Afrique, les pillage de sommes astronomiques, ont pour acteurs principaux, des Africains.
Cela signifie qu’il ne suffira pas à l’Afrique francophone de quitter le giron français et se mettre avec une nouvelle puissance pour être sauvée. Tous les impérialismes se valent, et les Africains doivent extraire de leur mentalité toute idée d’assistanat, qui voudrait que le salut vienne d’ailleurs. La source d’inspiration pourrait venir du Nigéria. Ce pays, frappé de plein coeur par Boko Haram, a-t-il eu besoin de demander des interventions étrangères?
Les « grandes puissances » savent que l’avenir se trouve en Afrique. Elles se bousculent dans le Berceau de l’Humanité. Chacun ayant son sommet, sa propagande et ses armes de séduction.
Mais quitter d’une emprise à une autre, ce serait changer de prison. Alors que la question qui se pose avec acuité, c’est celle d’une réelle liberté de l’Afrique. Pour y arriver, les Africains doivent changer leur manière de percevoir la marche du monde, se redresser et arrêter de s’apitoyer sur leur sort. Ils doivent voir le commerce de l’Humanité comme un carrefour d’opportunités et de rapports de force, et s’y préparer en conséquence. Justifier tout par l’esclavage, la colonisation et l’impérialisme, c’est fuir ses responsabilités devant l’Histoire.
 
La Rédaction